Le cinéma de Robert Bresson : du récit au sublime
Institution:
Paris 7Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Nearly all the films Robert Bresson ever made are adaptations of written stories but nothing is more specifically cinematographic than Bresson's cinema. If one wonders about the relationship between written works and films and about cinema's specificity in relation to literature, one soon realizes that Bresson's cinema is characterized by the more and more frequent inclusion of frames devoid of narrative content. We call these frames "denarrativized" frames. Bresson tells a story with frames he wants as denarrativised as possible, forcing the viewer to reconstruct mentally (or verbally) the story. The frame is therefore separated from the story. The story (the meaning) is its exterior. By doing this, Bresson means to escape the type of cinema he rejects: the "photographed theatre". Such a cinema practice is reinforced by the fact that the actors are not allowed to act: this is the main characteristic of Bresson's "modèle" the principles of which he explained at length in his "Notes sur le cinématographe". The principle of denarrativation has two effects: first it produces an effect of the real (and not, as Bresson would have it, to put the viewer front of the real). The effect of the real is always the result of a breaking off on the story. The second effect is to produce an effect of the sublime. The sublime is, according to Kant, precisely what evades representation. . .
Abstract FR:
Presque tous les films de Robert Bresson sont tirés de récits écrits mais rien n'est plus spécifiquement cinématographique que le cinéma de Bresson. En nous interrogeant sur les rapports entre l'écrit et le film et sur la spécificité du cinéma par rapport à la littérature, il est apparu que le cinéma de Bresson est marqué par la fréquence toujours plus grande d'images privées de contenus narratifs, des images que nous avons appelées " dénarrativisées" : Bresson fait un récit avec des images qu'il veut le moins narratives possible, contraignant ainsi le spectateur à reconstituer mentalement ou verbalement le récit. L'image est donc séparée du récit. Le récit (le sens) est son dehors. Bresson entend ainsi échapper à un type de cinéma qu'il refuse : le "théâtre photographié". Une telle pratique du cinéma est renforcée par l'interdiction faite aux acteurs de jouer : c'est la caractéristique principale du "modèle" dont Bresson expose longuement les principes dans ses "Notes sur le cinématographe". Le principe de dénarrativisation a deux effets : le premier est de produire un effet de réel (et non, comme Bresson le soutient, de mettre le spectateur face au réel). L'effet de réel est en effet toujours le résultat d'une suspension du récit. Le second effet est de produire un effet de sublime : le sublime selon Kant est précisément ce qui échappe à la représentation. Le sens de l'image, comme le récit, n'est pas dans l'image. L'image dénarrativisée prend ainsi une dimension métaphysique à l'intérieur d'un récit qui se veut toujours réaliste. Quant au sublime chez Bresson, il concerne toujours la mort qui, elle, n'est jamais représentée. La dénarrativisation est donc le procédé formel qui, dans les films de Bresson, donne à la mort sa dimension de mystère sacré et sublime.