"Quis ut Deus ?" Antijudéo-maçonnisme et occultisme en France sous la IIIe République
Institution:
Paris, EPHEDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
At the end of the Second Empire, Henri-Roger Gougenot des Mousseaux, a French polemicist, was the first to denounce, in a voluminous book, the kinship between Jews, Freemasons and Occultists, and their alleged collusion against the Christian world. This amalgam gradually finds its way into the counter-revolutionary and anti-modernist Catholic literature. Although these Catholic spheres do not seem quite sure what to do with such a “formula” that remained yet unused outside theoretical works, propagandists with uncertain ideological motivations and whose “anti-Semitism” was the only purpose suddenly took it from them. Anti-Semites thus emptied the amalgam between Jews, Freemasons and Occultists of its religious aspects and its most complicated elements – including speculations regarding occultism – and made it a slogan: “Freemasons and Jews”, which soon turned into a unique word, “judeo-masonry”. However, the diffusion of this cheap propaganda did not put an end to theoretical research and abstruse studies, sometimes venturing into the occult and leading to the weirdest fantasies. The present study follows the history of this strange literature, of its advocates and their organizations and the reasons behind their action. It relates militant paths to collective behaviours of the time, thus highlighting some historical phenomena extending far beyond the anti-Jewish, anti-Masonic and anti-occult underworld.
Abstract FR:
À la fin du Second Empire, un polémiste français, Henri-Roger Gougenot des Mousseaux, dénonce pour la première fois dans un volumineux ouvrage la parenté entre les juifs, les francs-maçons et les occultistes et leur soi-disant collusion pour détruire le monde chrétien. Cet amalgame trouve progressivement sa place au sein de la littérature contre-révolutionnaire et antimoderniste catholique. Alors même que ces milieux catholiques ne semblent pas encore très bien savoir quoi faire de cette « formule », qui demeure cantonnée à des œuvres théoriques et dont ils évaluent encore les possibilités, elle leur est brutalement dérobée par des propagandistes aux motivations idéologiques incertaines et dont la seule raison d’être est l’« antisémitisme ». Épuré de ses aspects religieux et de ses éléments les plus complexes – notamment de ses considérations anti-occultistes –, l’amalgame devient, aux mains des antisémites, un slogan, « francs-maçons et juifs », dont les termes ne tardent pas à s’inverser dans l’unique vocable de « judéo-maçonnerie ». Cette diffusion de l’antijudéo-maçonnisme, sous forme de propagande bon marché, ne marque pourtant pas la fin des recherches théoriques et des études absconses, qui n’hésitent pas à s’aventurer sur le terrain de l’occultisme et à se laisser aller à d’étonnantes rêveries. La présente étude propose de retracer l’histoire de cette étrange littérature, de ses tenants et des mouvements qui s’en réclament, de restituer les enjeux qui éclairent leurs actions, de relier leurs itinéraires aux comportements collectifs de leur temps et de mettre en lumière certains phénomènes historiques qui dépassent le cadre étroit des milieux anti-occultistes et antijudéo-maçonniques.