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Les interlocuteurs de Socrate dans les Dialogues de Platon

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Sept. 21, 2018

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Abstract EN:

Over the last decades the attention to the dialogue form has paved the way for a radical renewal of the Platonic studies and for an interest, although limited, in the Dialogues’ characters. The interest has yet been focused almost exclusively on Socrates and the definition of the traits of his character. Instead, too little attention has been paid to his interlocutors; therefore, this thesis aims to show their crucial role in the discursive community of six dialogues: First Alcibiades, Charmides, Theaetetus, Gorgias, Republic (books I, II and V), Philaebus. Firstly, some characters embody Socrates' antagonists and 'represent the cultural dimensions and the theoretical issues alive in the society to which Plato refers in his critical re-examination' (Vegetti). In this respect, their presence is important to observe how the Dialogues are less the exposition of a doctrine than the staging of another kind of relationship to knowledge, thus defining a contrario what philosophia means to him. Starting from the list that Socrates himself sketches in the Apology, I have established a typology that opposes Socrates' rivals and the young people. Within these two major categories, we could appreciate differences in their age and attitude towards knowledge. Before starting to analyze the characters, it was however necessary to define what being an 'interlocutor' means. Indeed, the platonic texts show many nuances in the interaction or presence of the interlocutors and the definition of their features was fundamental for the subsequent analysis of the texts. The terms have been grouped into two categories: one who identify the interlocutors on the basis of the destination of the conversation (audience, listeners, spectators, presents / absents) and another who describe the relationship of the interlocutors with Socrates and to the discourse. The analysis of the corpus was then guided by the definition of the dialogue of Diogenes Laerce (Diog.Lerer 3.48.7-11.), which allows us to detect two fundamental elements of dialogical exchanges: the discursive practice, that is the sequence of questions and answers, and the characterization of interlocutors (ethopoiia). We could observe that the psychological and social ethos of the interlocutors as well as their knowledge of the dialectical rules determine their ability to dialogue. This review has confirmed that the typology of the Apology and the normative definition of the interlocutor proposed by the Dialogues are really staged thanks to the interlocutors. Finally, we have analyzed three discursive phenomena that hinder dialogue or do not fulfill all the conditions of dialectical exchanges: silence, irony and the use of images. Through them Plato probably wants to show the impossibility of 'weaving a common discourse in the absence of a shared world of values' (Fussi), mainly because he recognizes that philosophical persuasion must be addressed beyond the dialogic fiction.

Abstract FR:

Durant les dernières décennies, l’attention à la « forme dialogue » a ouvert la voie à un renouvellement radical des études platoniciennes et à un intérêt, quoique limité, aux personnages des Dialogues. Cet intérêt s’est toutefois focalisé presque exclusivement sur Socrate et sur la définition des traits de son personnage. En revanche, on n’a guère orienté les recherches sur les interlocuteurs ; cette thèse vise donc à montrer leur rôle fondamental dans la communauté discursive de six dialogues : Alcibiade Majeur, Charmide, Théétète, Gorgias, République (livres I, II et V), Philèbe. Tout d’abord, certains personnages incarnent les antagonistes de Socrate et « représentent les dimensions culturelles et les nœuds théoriques actifs et présents au sein de la société à laquelle Platon renvoie dans son réexamen critique » (Vegetti). À cet égard, leur présence s’avère importante pour observer comment les Dialogues sont moins l’exposition d’une doctrine que la mise en scène d’un autre rapport au savoir, permettant ainsi de définir a contrario la philosophia. À partir de la liste que Socrate lui-même dresse dans l’Apologie, nous avons dès lors établi une typologie qui oppose les rivaux de Socrate et les jeunes. Au sein de ces deux catégories majeures, nous avons pu apprécier des différences concernant l'âge et l'attitude à l'égard du savoir. Avant d’entamer l’analyse des personnages il a été toutefois nécessaire de définir ce que l’on entend par « interlocuteur ». Les textes montrent en effet de nombreuses nuances dans leur interaction ou leur présence et la définition des traits qui caractérisent les interlocuteurs a été fondamentale pour l'analyse des textes. Les termes ont été groupés en deux catégories : ceux qui identifient les interlocuteurs sur la base de la destination de la conversation (public, auditeurs, spectateurs, présents/absents) et d'autres qui décrivent la relation des interlocuteurs avec Socrate et avec le discours. L'analyse du corpus a été ensuite orientée à partir de la définition du dialogue de Diogène Laërce (Diog. Laer. 3.48.7-11.), qui nous a permis de déceler deux éléments fondamentaux des échanges dialogiques : la pratique discursive, à savoir l’enchaînement des questions et réponses, et la caractérisation des interlocuteurs. Nous avons ainsi pu relever que les traits de caractère et les caractéristiques sociales des interlocuteurs déterminent leur capacité de dialoguer. Cet examen a donc confirmé que la typologie de l’Apologie et le lexique définissant l'interlocuteurs ne restent pas lettre morte dans les Dialogues, mais sont avant tout mis en scène grâce aux interlocuteurs. Enfin, nous avons examiné trois phénomènes discursifs qui entravent le dialogue ou qui ne remplissent pas toutes les conditions de l'échange dialectique : le silence, l'ironie et le recours aux images. Si Platon veut sans doute montrer, à travers ces obstacles, l’impossibilité de « tisser un discours commun en l’absence d’un monde partagé de valeurs » (Fussi), c’est aussi parce qu’il reconnaît que la persuasion philosophique ne saurait s’exercer qu'au-delà de la fiction dialogique.