Abstract FR:

Bien que le problème de la mort n'occupe pas visiblement la place centrale de la méditation philosophique de Levinas, il contribue à élucider la structure de sa pensée fondamentale sur la responsabilité pour autrui. Dans cette perspective, la présente étude développe plusieurs thèses propres à Levinas. La mort pour le sujet que je suis, donc ma propre mort, se définit par son altérite absolue qui transcende mon pouvoir tout entier, et par la violence que je ne peux pas enfin éviter de subir et qui doit être pensée au fond au niveau des rapports interpersonnels. Dans ces rapports, autrui est l'étant dont l'altérité est absolue, comparable à ma propre mort. Or la responsabilité consiste à entretenir une relation pacifique, à renoncer à un exercice de la violence sur lui, même lorsqu'il n'y renonce pas (le sens unique de la responsabilité). Ce n'est pas ma décision libre et active, mais le visage d'autrui qui la rend possible. Le visage m'engage, sans mon engagement libre, dans une relation pacifique par une "force", (comparable à celle que J. L. Austin a découvert à propos de l'énoncé performatif"). Le visage constitue l'appel originaire et pre-langier à la paix et au bien. L'impossibilité d'être sourd à son appel silencieux, qui provient, non pas la menace de mort contre moi, mais la faiblesse d'autrui en face de sa propre mort, c'est la responsabilité, la passivité au-delà de l'activité, activité qui définit la subjectivité dans la philosophie moderne. Engage dans la relation, je me trouve dans le choix entre la réponse obéissant à l'appel-commandement du visage et l'interruption par la violence de cette relation (désobéissance). Obéir, cela se traduit dans le dire passif, parole dans laquelle j'accueille autrui sans attendre aucune récompense. Du point de vue de la mort, il s'agit de m'occuper de la mort d'autrui davantage que ma propre mort. La responsabilité au-delà de l'être, c'est désintéressement.