La conscience de soi au XVIIIe siècle en France et en Allemagne
Institution:
Paris 1Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Can we still take seriously eighteenth-century theories of self-consciousness, after Kant, in the ‘Paralogisms of pure reason’, has criticized both rational psychology and its claims to make a decision on what the thinking ‘I’ really is? We first show how powerful Kant’s criticism is: it is not only relevant against the Wolffian doctrine, but also against every philosopher, including empiricists, who borrows some arguments from Wolff. Yet, we will argue that the Kantian criticism is not relevant against another problem of self-consciousness, which has nothing to do with the traditional problem of personal identity. We call that other problem: the problem of ‘projectivity’. If reflexivity makes me able to return on myself, on the contrary projectivity makes me able to identify myself as something or something else (as a subject, as a body, as a temporal being, as a soul, as a student…). Condillac first made this metamorphic ability the very spine of the Treatise of Sensations. According to him, the self is not even at the first moment a subject (not even an incorporated one) facing objects in his experience: he has to become conscious of himself as facing objects. Rousseau goes further in the Emile: he examines in detail not only how self-consciousness emerges,or how it grows quantitatively, but how it transforms qualitatively, until one’s self-cousciousness becomes a true self-knowledge. Kant himself is part of this history: in the Critic of Practical Reason, he shows that when I feel respect for the moral law, I am conscious of myself as being distant of myself. Maybe this distance, which makes any achieved knowledge impossible, is the condition for being able to interpret myself as something or something else.
Abstract FR:
Peut-on encore prendre au sérieux le discours que les auteurs du 18e siècle tiennent sur la conscience de soi, après que la critique kantienne des paralogismes de la raison pure a rendu définitivement obsolète l’édifice de la psychologie rationnelle et ses prétentions à se prononcer sur l’être du je qui pense ? Une fois montrée la puissance de la critique de Kant, qui atteint aussi bien l’édifice de Wolff que ses reprises empiristes, nous proposerons pourtant de répondre par l’affirmative, à la condition de repérer un axe historique plus discret, visant à l’élaboration d’un problème de la conscience de soi qui ne se ramène pas à celui de la réflexivité et de l’identité personnelle. Nous l’appellerons le problème de la projectivité : car il concerne la puissance qu’a la conscience de soi de se projeter en des identités toujours changeantes, au gré de ce comme quoi je prends conscience de moi-même. Condillac, d’abord, a fait de cette puissance plastique du moi la colonne vertébrale de son Traité des sensations, en refusant même la fausse évidence d’une assimilation originaire du moi à un sujet, fût-il incorporé, qui s’oppose aux objets se rencontrant dans son champ d’expérience. Rousseau en a tiré tous les fruits dans l’Émile, où les projections identifiantes de la conscience de soi sont suivies pas à pas dans l’histoire de l’individu, jusqu’à ce qu’il parvienne à convertir la conscience de lui-même en une véritable connaissance anthropologique de soi. Kant lui-même s’inscrit dans cette histoire, par son analyse du respect dans la Critique de la raison pratique, qui inscrit au cœur du soi une dimension de distance irréductible – distance qui est peut-être la condition pour qu’il soit possible de s’adonner à l’interprétation de soi.