De la vertu antique aux vertus de l'avenir : la conception nietzschéenne des vertus, entre héritages et renouveau
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Abstract EN:
For the free spirit who professes to think "beyond good and evil", does philosophical activity still have anything to do with what the Greeks called "virtue"? By presenting himself as the « first immoralist », Nietzsche gives us more than one reason to believe it doesn’t. However, numerous clues conspire to position Nietzsche in the spiritual lineage of the Greeks, who never separated philosophical activity from a search for moral excellence or « virtue ». Nietzsche wanted to rehabilitate the concept of virtue in the nineteenth century, because in his view, what makes moral discussion undecidable in modern days is the damning absence of a consensus on moral qualities. Restoring an aretaic perspective in morals will first require to denounce several representations of moral motivation. Nietzsche will indeed criticize all anthropologies that predetermine what the purpose of man is in terms of moral development, starting with the ancient ethics rooted in eudemonism, as well as modern morals built on duty or utility. In parallel with this critical work, the role of the philosopher will be tasked with redefining completely the prerequisites for the emergence of virtues as originated within the primordial realm of impulses. The question becomes how virtues can be acquired and exercised outside a conventional understanding of ethics. Through the prism of breeding as the process of strengthening character and sharpening the mind, Nietzsche will gradually redefine all virtues (courage, justice, magnanimity, humility, love, loneliness, probity, hardness, etc.). To understand the challenges of his double enterprise of both criticism and innovation, we will interrogate the history of philosophy, as Nietzsche dialogues with multiple moral theorists. We will also investigate cultural history to ponder the contribution of each historical stratum currently at the heart of European moral tradition. Finally, we will redefine philosophy as a way of life to show that Nietzsche is the first to engage in new experiences, with the virtues he inherits.
Abstract FR:
Pour un esprit libre qui fait profession de penser « par-delà bien et mal », l’activité philosophique a-t-elle encore quelque chose à voir avec ce que les Grecs nommaient la « vertu »? Tout porte à croire que ce n’est pas le cas, si l’on se fie aux dires de Nietzsche, qui se présente comme le « premier immoraliste ». Pourtant, on peut rassembler de nombreux indices qui prouvent que Nietzsche se positionne dans la postérité des Grecs, qui ne séparaient jamais l’activité philosophique d’une recherche de la vertu. Nietzsche veut réhabiliter le concept de « vertu » au XIXème siècle, car à ses yeux, le caractère insoluble des débats moraux, dans la modernité, tient à l’absence d’un consensus, sur les qualités morales. Renouer avec une problématique arétique supposera d’abord de dénoncer différents modèles de la motivation morale. Nietzsche critiquera toutes les anthropologies qui prédéterminent la finalité de l’homme selon un perfectionnement moral, à commencer par les éthiques antiques fondées dans un eudémonisme, ainsi que les morales modernes, qui sont bâties sur le devoir, ou sur la recherche de l’utilité. Parallèlement à ce travail critique, le rôle du philosophe sera de redéfinir intégralement les conditions d’émergence des vertus à partir de l’univers primordial des pulsions. Il s’agira de questionner les modalités d’acquisition et d’exercice des vertus, en dehors de l’éthique traditionnellement comprise. Adoptant la perspective de l’élevage dans le but de renforcer le caractère et aussi d’aiguiser l’esprit, Nietzsche va progressivement réinventer toutes les vertus (courage, justice, magnanimité, humilité, amour, solitude, probité, dureté, etc.). Pour ressaisir les enjeux de ce double geste de critique et de création, nous pratiquerons l’histoire de la philosophie, car Nietzsche dialogue avec de nombreux théoriciens des vertus. Mais nous pratiquerons aussi l’histoire culturelle, pour mesurer les apports de chaque strate historique, au cœur de la tradition morale européenne. Et enfin nous procéderons à une redéfinition de la philosophie comme manière de vivre pour montrer que Nietzsche est le premier à se livrer à des expériences nouvelles, avec les vertus dont il hérite.