Esthétique de l'horreur : du Jardin des supplices d'Octave Mirbeau (1899) aux Lettres d'Eros de Georges Bataille (1961)
Institution:
Paris 1Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
When using the word horror, one attempts to give a name to the unnameable, or at least to point to what remains ultimately unimaginable. An aesthetics of the horror precludes an ethic of indignation. Historically, the horrible is separate from the terrible, just as reality is from fiction. However, if we are to situate the aesthetics of the horror in a historical perspective, we must recognise that it can also partake of a transcendantal aesthetics, of a theory of knowledge which looks for the simultaneous forms of apparition and occultation, and of a theory of art which strives to find the horror in the works of art themselves. Thus Octave Mirbeau's le jardin des supplices is a kind of manifesto for the aesthetics of the horror. The horror being defined as what permits to show the figures of the inhuman, it can be studied through some of these figures: rottenness, animality, the spider. . . The first half of the xxth century saw the parallel development in literature, the cinema and the pictorial art, of an aesthetics of the horror whom georges bataille, as a priviledged witness, attempted to be the theoretician of. The photograph of a chinese torture victim, before it was commented on by Georges Bataille, owed its public success to the multiplicity of its interpretations. The different uses of horror must be scrutinized in order to oppose the use of images in the religious realm from that in the sadian aesthetics. For Bataille, Giacometti and Leiris, art as an "exercise of cruaulty" gives us an opportunity to meet with the horror which entails the destruction of the subject in modern art. At the same time, other versions of this aesthetics of the horror feature in the sartrian nausea or surrealism. Instead of acting as the bait in a trap, the aesthetics of the horror can play the role of an alarm signal: only through the horror as revealed by art can we face the horror of reality.
Abstract FR:
Par le terme d'horreur, on tente de donner un nom à l'innommable, ou une simple indication de ce qui ne peut que rester inimaginable. Une esthétique de l'horreur interdit une éthique de l'indignation. Historiquement, l'horrible se sépare du terrible comme le réel du fictif. Mais, si elle doit être située historiquement, l'esthétique de l'horreur peut aussi relever d'une esthétique transcendantale, d'une théorie de la connaissance qui cherche les formes simultanées d'une apparition et d'une occultation, et d'une théorie de l'art qui s'efforcerait de repérer l'horreur à même les œuvres. Le jardin des supplices d'Octave Mirbeau constitue ainsi un manifeste de l'esthétique de l'horreur. L'horreur se définit comme ce qui permet la présentation des visages de l'inhumain. Elle peut être étudiée à travers certains de ces visages : la pourriture, l'animalité, l'araignée. . . La première moitié du XXeme siècle voit se développer, à la fois dans la littérature, le cinéma et l'iconographie, une esthétique de l'horreur dont Georges Bataille, qui en est un témoin privilégié, s'efforce d'être le théoricien. L'image photographique d'un supplicie chinois, avant d'être particulièrement investie par bataille, doit son succès médiatique à la pluralité de ses interprétations. Les usages de l'horreur doivent être distingués pour opposer le recours à l'image dans une pratique religieuse à l'esthétisation de l'horreur par un regard sadien. Pour Bataille, Giacometti, Leiris, l'art comme "exercice de la cruauté" nous offre l'occasion d'une rencontre avec l'horreur qui s'accompagne de la destruction du sujet dans l'art moderne. La nausée sartrienne, le surréalisme formulent dans le même temps d'autres versions de cette esthétique de l'horreur. Au lieu de figurer pour nous comme l'appât d'un piège, l'esthétisation de l'horreur peut jouer un rôle novateur d'alarme et de révélateur : seule l'horreur révélée par l'art rend possible de regarder l'horreur du réel en face.