Abstract FR:

Après le pessimisme de T. W. Adorno et de M. Horkheimer, J. Habermas redynamise la Théorie critique en changeant de paradigme philosophique et sociologique. Au modèle des « théories du sujet» est préféré le modèle intersubjectif de l'agir communicationnel pour étudier la société, relever ses pathologies et surtout faire de ses membres des acteurs critiques. L'objectif de détermination et de réalisation des sujets, sous leur double aspect d'êtres singuliers et de membres de la société, peut-il être favorisé par un paradigme relationnel? Ce travail interroge la portée du changement de perspective pour la théorie critique, en se penchant en amont sur la genèse du modèle communicationnel et sur l'abandon de l'autoréflexion, et en s'intéressant en aval aux domaines d'application d'une théorie de l'action sociale et d'une formation de l'identité centrées sur l'intersubjectivité : en éthique, sur le politique et le droit. À chaque niveau, l'appréhension de la singularité des sujets individuels embarrasse la théorie de l'intersubjectivité. Tendant à égaliser les situations entre les partenaires de la communication, l'intersubjectivité paraît un outil peu adapté pour saisir les différences individuelles, présentes dans les interactions quotidiennes et se répercutant sur les plans moral et politique. Nous défendons l'idée selon laquelle la part d'invisibilisation de l'intersubjectivité communicationnelle pourrait être levée si l'anthropologie des sujets capables de parler et d'agir était complétée par la catégorie de sujets expressifs.