Censures et raisons d’État aux origines de la modernité politique : dialogues franco-italiens des XVIe et XVIIe siècles
Institution:
Paris 10Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
At the end of the XVIth century, the Index censored the reason of State. In spite of this prohibition, many books were dedicated to it and circulated in the public space. Either to make a theory of it, to justify its political uses or to answer them, the reason of State comes out as the publication of political secrets. This publication reveals an original relationship between censorship and reason of State : Machiavel’s works, prohibited from the first Index, offer an emblematical representation of it ; Giovanni Botero’s case, the first reason of State’s theoretician and ecclesiastical censorship agent, gives some key elements. Born from its oppositions to the reason of Church, between wars of Religion and primacy of politics, the reason of State asserts itself on the public space as a notion with numerous faces and contradictory definitions. Here, the reason of State polymorphism is first studied with the Italian theoreticians of the notion, then considered according to its reception in France in Richelieu’s time. It is analysed according to the varied censorship practices in use then : censorship defined via the model of the Roman census which included the morals control in the citizens counting ; censorship understood as a practice of critical judgment ; censorship in the sense of the condemnation of some books, of the practice of an official control over publications, as for the Church censorship or the State’s one. Seized at the dawn of the political modernity, in all their diversity the relationships between censorships and reasons of State belong to the history of the acquisition of individual liberties and the constitution of the society.
Abstract FR:
À la fin du XVIe siècle, l’Index censure la raison d’État. En dépit de cette prohibition, nombre d’ouvrages lui sont consacrés et circulent sur la place publique. Que ce soit pour en faire la théorie, pour justifier ses usages politiques ou pour y répondre, la raison d’État paraît sous la forme de la publication des secrets politiques. Cette publication révèle un rapport originaire entre censure et raison d’État : l’œuvre de Machiavel, prohibée dès le premier Index, en offre une représentation emblématique ; le cas de Giovanni Botero, premier théoricien de la raison d’État et agent de la censure ecclésiastique, en donne les éléments clés. Née de ses oppositions à la raison d’Église, entre guerres de Religion et primat du politique, la raison d’État s’affirme sur la place publique comme une notion aux multiples visages et aux définitions contradictoires. La polymorphie de la raison d’État est ici tout d’abord étudiée chez les théoriciens italiens de la notion, puis considérée selon sa réception dans la France de Richelieu. Elle est analysée en fonction des diverses pratiques de censure alors en usage : la censure définie via le modèle du census romain, intégrant au dénombrement des citoyens le contrôle des mœurs ; la censure comprise comme l’exercice d’un jugement critique ; la censure au sens de la condamnation de certains ouvrages, de l’exercice d’un contrôle officiel des publications, qu’il s’agisse de la censure d’Église ou de la censure d’État. Saisis à l’aube de la modernité politique, dans toute leur diversité, les rapports entre censures et raisons d’État appartiennent à l’histoire de l’acquisition des libertés individuelles et de la constitution de la société.