Des usages philosophiques de la notion de pauvreté : éléments d'une critique du "développement durable"
Institution:
Paris 10Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Since the early stages of the industrial revolution in Europe, the prospect of unlimited economic growth has been fuelling the search for an overall improvement in living conditions for mankind. The social issue, born of the struggle for a more equitable distribution of advantages and wealth is met by the belief that they can and must be shared more fairly. The « sustainable development » refers to the contemporary evolution and preservation of this prospect : because, even though the ecologically destructive nature of the race for productivity is recognized and new methods more respectful of man and nature are being invented, it is also assumed that this expansionist dynamic is necessary. The new « sciences of development » make up its theoretical correlate. It is obvious that the present weight of poverty and its negativity must be counterbalanced by the output of new production. There also arises a number of issues which philosophy has to tackle. Is it absolutely certain that a good and happy life should necessarily be « developed » ? What does the word « development » actually mean ? Can poverty, which we intend to reduce or even abolish, be always and solely identified with destitution and with a negativity we should get rid of ? If the notion of poverty is reconsidered from the viewpoint of its contemporary uses, where ethics and politics meet, it constitutes a critical boundary for an emerging political ecology. Its ambiguities and ambivalences account for the perplexity that this study attempts to measure : it is not sure that yesterday's ideal of a simple and frugal life is compatible with the requirements of individual emancipation and its institution within democracy.
Abstract FR:
La perspective d’une croissance économique illimitée sert depuis le commencement de la révolution industrielle le projet d’une amélioration généralisée des conditions de la vie humaine. On répond à la question sociale, issue des luttes pour un partage plus juste des avantages et des richesses, par l’idée qu’on peut et qu’on doit en mieux partager les fruits. Le terme de « développement durable » reconduit cette perspective : certes, on reconnaît le tour écologiquement destructeur de la passion productive, et on s’ingénie à lui inventer de nouveaux moyens, plus respectueux des données naturelles ou humaines, mais on maintient la nécessité de cette dynamique expansionniste. Les nouvelles « sciences du développement » en forment le corrélat théorique. Il y a là une évidence : la pauvreté et sa négativité doit être compensée par des productions nouvelles. Mais il y a là aussi une série de questions, dont la responsabilité revient à la philosophie : est-il assuré que la vie bonne ou heureuse soit toujours et seulement la vie « développée » et qu’entendre par « développement » ? Cette pauvreté que l’on entend résorber ou même abolir s’identifie-t-elle toujours et seulement à la misère, et à une négativité dont il faudrait se débarrasser ? Réexaminée dans ses usages contemporains, au croisement de l’éthique et de la politique, la notion de pauvreté constitue la frontière critique d’une écologie politique émergente. Ses ambiguïtés et ses ambivalences expliquent un embarras dont ce travail essaye de prendre la mesure : les anciens idéaux de simplicité ou de frugalité sont-ils compatibles avec les exigences de l’émancipation individuelle et de son institution démocratique ?