La sensibilité dans la pensée d'Emmanuel Lévinas et de Maurice Merleau-Ponty
Institution:
Paris 10Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
The respective approaches of Levinas and Merleau-Ponty are analyzed starting with the way they read Husserl : both credit him with the "rehabilitation of the sensuous", but read him differently. Then, Merleau-Ponty's and Levinas' own thinking on centra notions like "sensation" and "original impression" are described, showing that differences already perceptible in their respective interpretations of Husserl become more evident : Merleau-Ponty perceives sensation and original impression mainly as transmitters of sensuous qualities paving the way to knowledge ; Levinas, on the other hand, thinks them as first contact of the subject with an alterity containing the possibility to meet this alterity through ways other than the mind. The same differences are finally found concerning the role of the body and the problem of incarnation : in Merleau-Ponty's thinking, a sensibility which, as "flesh", occupies a more and more dominating place between the subject and its world, leading to a kind of "dilution" of the subject into the flesh. Levinas elaborates a passive sensibility, exposing, as vulnerability, the subject to the other and receiving him without appealing to theintentional consciousness, thus preparing the way towards an ethic of responsibility to the other. In conclusion, Levinas' critical comments on Merleau-Ponty does not discern clearly enough knowledge and feeling, thus foregoing the possibility to think a subject effectively responsible towards the world and the other.
Abstract FR:
Les approches respectives de Levinas et de Merleau-Ponty sont d'abord analysées à partir de leur lecture de Husserl, qu'ils créditent d'une "réhabilitation du sensible", mais qu'ils lisent différemment. Est ensuite décrite la manière dont Merleau-Ponty et Levinas développent leur propre pensée autour de notions centrales que sont la sensation et l'impression originaire. Il en ressort que les divergences déjà présentes dans l'interprétation de Husserl s'accentuent : Merleau-Ponty pense la sensation et l'impression originaire surtout dans leur fonction de transmetteurs des qualités sensibles en vue d'une connaissance ; Levinas y voit le premier contact du sujet avec autre que lui-même et qui contient la possibilité de rencontrer cet autre autremant que par la conscience. Les mêmes différences se retrouvent finalement au niveau du rôle du corps et de l'incarnation : chez Merleau-Ponty, une sensibilité qui, comme chair, occupe une place prépondérante entre le sujet et le monde, jusqu'au point d'une dillution du "sujet" dans cette chair ; chez Levinas, l'élaboration d'une sensibilité passive qui, comme "vulnérabilité", expose le sujet à l'autre et l'accueille sans faire appel à une conscience intentionnelle, ouvrant ainsi la voie vers une éthique de responsabilité vis -à-vis d' Autrui. En conclusion, sont soulignées les critiques formulées par Levinas à l'encontre de Merleau-Ponty : en limitant la sensibilité à sa fonction de fournir la base d'un savoir-fût-ce "savoir autrement"-, Merleau-Ponty fait l'amalgame entre savoir et sentir et, ce faisant, se prive de penser un sujet effectivement responsable vis-à-vis du monde et d'Autrui.