Valeurs morales et religieuses sur la scène de l'Académie royale de musique (1669-1737) : étude du Recueil général des opéras
Institution:
Paris 4Disciplines:
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L'opéra français de Quinault, Lully et leurs successeurs n'est pas un simple divertissement : comme pour toute forme d'art, les œuvres rassemblées dans le Recueil général des opéras expriment une certaine vision de l'homme dans ses rapports au monde et au divin. Ainsi, sur le plan moral, doivent-ils beaucoup à la tradition épicurienne : c'est d'elle que procède l'appel incessant au plaisir et à la vie tranquille proche de la nature, sous la forme de la bergerie. Toutefois, cet épicurisme est modulé. D'une part il accorde une place importante à l'amour. D'autre part, il évolue : durant les années 1690 à 1710 s'exprime la tentation croissante d'un hédonisme facile, privilégiant l'inconstance et l'étourdissement dans les plaisirs faciles, tandis que les décennies suivantes verront une réaction moralisante, réconciliant bonheur et vertu. Un cheminement analogue se dessine concernant la vision de la divinité. La critique, déjà présente du temps de Lully, s'exacerbe par la suite : tantôt tyrans cruels, tantôt incapables de secourir les innocents, les dieux laissent en outre des prêtres criminels parler en leur nom ; le thème de sacrifice humain vient encore ajouter l'horreur. Corrélativement, la révolte libertine emprunte simultanément à la casuistique laxiste et au pessimisme augustinien pour innocenter les coupables et les transformer en victimes. Toutefois, après 1713, les dieux redeviennent les défenseurs de l'innocence ; les thèmes déistes, le merveilleux persan, l'influence maçonnique concourent à réhabiliter l'idée d'un ordre divin au service du bien, et l'homme, recouvrant son libre arbitre, est somme de retrouver la voie de l'héroïsme. Paradoxalement, il ressort de toute cette évolution qu'à l'opéra c'est sous le règne de Louis XIV que se développent les contestations les plus radicales, et que le siècle des Lumières est aussi celui de la remise en ordre sur le plan moral et théologique.