Abstract FR:

Dans quelle mesure les caractéristiques de la notion renanienne de la science correspondent-elles d'une part au courant réductionniste, d'autre part à l'idée synthétisante ou globalisante qui se formule en termes d'insatisfaction et d'exigences à résonance romantique ? Vaut-il la peine d'étudier l'œuvre renanienne dans l'optique de nos connaissances sur l'histoire des idées au XIXe siècle ? Peut-on parler de l'actualité de la pensée de Renan aujourd'hui quand les préoccupations épistémologiques continuent à dominer la réflexion philosophique ? La pensée de Renan hésite entre l'épistémologie réductionniste, alimentée par les résultats des sciences expérimentales, et l'attitude globalisante souhaitant donner à la connaissance la totalité comme objet. La science de Galilée, de Newton et de Laplace a réduit la richesse individuelle des phénomènes à des cas idéalisés, prives en premier lieu de leur histoire. C'est le temps-devenir qui revendique ses droits dans cette conception étayée par la philosophie allemande. Positivisme et romantisme désignent chez Renan les deux pôles d'un conflit d'ordre épistémologique. Il serait préférable de remplacer dorénavant ces termes par réductionnisme et globalisme épistémologiques. La méthode double suggérée par Renan, composée de rigueur et de finesse signifie qu'il a pris conscience de la cause qui présidait à l'insuffisance de la démarche réductionniste : il s'est rendu compte que le temps-devenir devait entrer dans la définition de l'objet scientifique. La pensée de Renan, avec tout son attachement à des formules qui semblent aujourd'hui avoir vécu, est une promesse non tenue : l'élaboration rigoureuse de ses idées aurait pu donner naissance à un système épistémologique unifié de la science. L'unification qui se passerait néanmoins sous l'égide des sciences humaines puisque celles-ci sont capables de dépasser le réductionnisme étroit de la méthode pratiquée par les sciences de la nature.