Dissimulation et quête d’identité dans les romans de Hue de Rotelande
Institution:
Université Clermont Auvergne (2017-2020)Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Hue de Rotelande, an Anglo-Norman poet of the late twelfth century, wrote two poetical novels, Ipomedon and Protheselaus, whose heroes strive either to hide their name or to be recognized. The second text is presented as a sequel to the first one, but we understand that unity is also done through the theme of identity. In this period of the Middle Ages, a questioning on identity is not anachronistic. Chapter I shows that, at the moment when the famous Renaissance is developing, the question of identity existed in several fields, both theologically and in terms of the recognition of the individual. Hue de Rotelande’s novels testify to this emergence of the subject. Nevertheless, a person is still defined primarily by the group to which he or she belongs. The reflection on identity thus has nothing to do with the birth of individuality but must be understood in relation to a group. Furthermore, the consciousness of the nation was beginning to be formed at the end of this century in England, stimulated by the action of Henry II. In fact, the king had to unite his kingdom against the oppositions related to its continental origin and against the Welsh protest ; around the king, history was rewritten. With this theme of identity, the works of Hue de Rotelande are therefore a reflection of their time. In chapter II, we find that these novels approach the identity in a paradoxical way since dissimulation is put forward. Nevertheless, a lexical analysis proves that the conceptual domain of dissimulation is that of identity. And Hue de Rotelande truly permeates his works with this double theme by multiplying the processes of dissimulation, by blurring the construction system of the characters and, above all, by presenting this dissimulation of the identity as not being really justified on the narrative level. It thus becomes particularly legitimate to question the choice of this theme. Chapter III reveals that this practice of dissimulation is also found at the level of the narrator who weaves between the need to tell, the silence and the lie, but, who always insists on dissimulation. This theme contaminates the genre itself of texts because they hide behind all the works in fashion in the twelfth century, thus blurring their identity in multiple echoes. Dissimulation is therefore everywhere and, definitely, pushes one to wonder about identity. Finally, by drawing attention to identity, Hue de Rotelande probably wanted to send a message to his audience. Chapter IV shows that the novels were clearly addressed to the Anglo-Norman public of the Welsh Marches and that a political reading was hidden there. Hue de Rotelande would criticize the royal power of Henry II, often in opposition to his barons, and he would flatter the identity consciousness of a group, that of the Cambro-Normans.
Abstract FR:
Hue de Rotelande, poète anglo-normand de la fin du XIIe siècle, a écrit deux romans en vers, Ipomédon et Prothésélaüs, dont les héros s’évertuent soit à cacher leur nom, soit à se faire reconnaître. La seconde œuvre est présentée comme une continuation du premier roman, mais on perçoit que l’unité se fait également grâce à la thématique de l’identité. À cette période du Moyen Âge, une interrogation sur l’identité n’est pas anachronique. Le chapitre I montre qu’au moment où s’épanouit la fameuse Renaissance du XIIe siècle, la question sur l’identité se posait dans plusieurs domaines, tant sur un plan théologique que par rapport à la reconnaissance de l’individu. Les œuvres de Hue de Rotelande témoignent de cette émergence du sujet. Pour autant, une personne se définit encore essentiellement grâce au groupe auquel elle appartient. La réflexion sur l’identité n’a ainsi rien à voir avec la naissance de l’individualité mais doit se comprendre par rapport à un groupe. Par ailleurs, la conscience de la nation commençait à se former, à la fin de ce siècle, en Angleterre, stimulée par l’action d’Henri II. En effet, le roi devait unir son royaume en butte aux oppositions liées à son origine continentale et à la contestation galloise ; autour du roi, l’Histoire était réécrite. Avec ce thème de l’identité, les œuvres de Hue de Rotelande sont donc un reflet de leur époque. Dans le chapitre II, l’on constate que ces romans abordent l’identité de façon paradoxale puisqu’est mise en avant la dissimulation. Néanmoins, une analyse lexicale prouve que la sphère conceptuelle de la dissimulation rejoint celle de l’identité. Et Hue de Rotelande imprègne véritablement ses œuvres de cette double thématique en multipliant les procédés de la dissimulation, en brouillant le système de construction des personnages et, surtout, en présentant cette dissimulation de l’identité comme n’étant pas véritablement motivée sur le plan narratif. Il est donc particulièrement légitime de s’interroger sur le choix de ce thème. Le chapitre III révèle que cette pratique de la dissimulation se retrouve également au niveau du narrateur qui louvoie entre la nécessité de raconter, le silence et le mensonge, mais qui, toujours, insiste sur la dissimulation. Cette thématique contamine le genre même des textes qui se cachent derrière toutes les œuvres à la mode au XIIe siècle, brouillant ainsi leur identité dans de multiples échos. La dissimulation est donc partout et, définitivement, pousse à s’interroger sur l’identité. Finalement, en attirant de la sorte l’attention sur l’identité, Hue de Rotelande a sans doute voulu faire passer un message à son auditoire. Le chapitre IV montre que les romans s’adressaient clairement au public anglo-normand des Marches galloises et qu’une lecture politique y était dissimulée. Hue de Rotelande critiquerait le pouvoir royal d’Henri II, souvent en opposition à ses barons, et flatterait la conscience identitaire d’un groupe, celui des Cambro-normands.