Oeuvre et Grand oeuvre : discours alchimique et création romanesque dans "L'histoire véritable ou Le voyage des princes fortunez" (1610) de Béroalde de Verville
Institution:
Clermont-Ferrand 2Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Pas de résumé disponible.
Abstract FR:
Participant du genre hybride de la fiction philosophie, le Voyage pose le problème du rapport entre l'oeuvre littéraire et le grand oeuvre alchimique. Bien que le terme "alchimie" soit récurrent sous la plume de l'auteur -au même titre que celui de -secret, il apparaît qu'il ne désigne en définitive qu'un art du philosopher manuellement : une doctrine rationnelle conforme aux postulats, essentiellement aristotéliciens, de la physique exotérique de l'époque, et une méthode expérimentale hostile aux préceptes fondamentaux de l'hermétisme. C'est bien d'une chimie ou d'une préchimie que Béroalde se réclame, nullement d'une alchimie au sens traditionnel du mot. Quelle est donc la nature du secret qu'il promet dans le paratexte de son roman steganographique ? Homme de science, l'auteur s'écarte de l'alchimie traditionnelle : romancier, il en utilise le langage. Ainsi, le voyage mine la rhétorique du grand oeuvre. La mystérieuse anamorphose s'y substitue avantageusement à la traditionnelle allégorie et régit l'organisation (ou la désorganisation) secrète du roman. La profusion des intrigues secondaires gène la progression du récit ; la dispersion spatio-temporelle et structurelle en compronet l'unité ; le désordre en masque la cohérence. Doté d'une structure en labyrinthe dont nous traçons le schéma, le Voyage défie les lois du simple résumé et consacre la virtuosité d'un technicien de l'écriture. La confrontation du Voyage à son modèle- linéaire et dépourvu de toute référence au magistère, le Peregrinagio d'Armeno (1557) - est éclairante. Elle permet d'apprécier la manière dont Béroalde utilise le potentiel romanesque de l'alchimie pour réécrire ses sources. Plus fondamentalement, la thématique du grand oeuvre, devenue alchimie du verbe, permet de régénérer certaines métaphores stéréotypées et de renouveler les catégories désuetes du roman de l'époque ainsi, un arrière-plan alchimique métamorphose l'espace en laboratoire, l'amour en feu sacré des adeptes, les personnages en composantes occultes de la matière et leurs aventures en étapes du grand oeuvre. L'alchimie comme métaphore, voilà donc un trait caractéristique de l'inventio de Béroalde et de la nouveauté du Voyage