Abstract FR:

L'objectif de cette these est de proposer un eclairage de l'histoire recente de la poesie francaise contemporaine a partir du doublet c/sensure, concept revisite par les sciences humaines que la poesie a ellememe elu dans l'ebullition critico-theorique qui suit mai 68. L'apparition du neologisme << sensure >> a lieu en france sur un fond de censure traditionnelle : dans les annees soixante-dix, descreateurs sont inquietes par une censure (politique, gouvernementale ou economique) qui ne cesse de fonctionner. Juristes, critiques litteraires, philosophes, historiens, sociologues et psychanalystes sondent sa complexite. Certains (jacques derrida, maurice couturier) veulent la combattre ; d'autres (maxime dury, pierre legendre, pierre bourdieu) constatent son caractere fondateur et indepassable. L'enjeu de la poesie se fait de plus en plus revolutionnaire ; la consultation de revues (tel quel, change, action poetique, manteia, dock(s), textuerre), de recueils, d'arts poetiques, d'entretiens ou d'editoriaux, la prise en compte de l'influence de lacan montrent comment la censure devient un topos de la theorie et de la pratique de la poesie. L'oeuvre du poete bernard noel est lue a la lumiere d'un terme - la << sensure >> - dont il est lui-meme l'inventeur. Ses ouvrages, dans leur diversite generique, reflechissent les c(s)ensures qui pesent sur le citoyen, sur le createur de formes et de sens. L'art poetique noelien prend son origine dans un souci de combattre, au coeur de la langue maternelle, les c/sensures. Une acception moins radicale du mot << censure >> (entendu comme instance de recensement, de classement, de controle, de jugement et de mise en ordre) peut finalement rendre compte de l'histoire proche de la poesie francaise, dont les lignes de force gagnent a etre analysees en termes de flux et de reflux, d'interdits et d'ouvertures, de voix ecrasees et majeures, de censeurs et de censures. . . Apres une phase de << glaciation >> du champ poetique, domine par les tenants d'une poesie tournee vers le signifiant et l'ecriture dite blanche, ce dernier entre dans une periode (vecue par certains comme plus libre et plus ouverte) qui autorise l'eclosion de themes et formes longtemps interdits par les poetes dits textualistes.