Alfred de Musset et les écrivains libertins du XVIIIe siècle
Institution:
Paris 4Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Musset's writing owes more than usually recognized to eighteenth-century libertine writers. This becomes clear when we remove old critical stereotypes and take a fresh look at his works. The very locations in which the stories take place hearken to the libertine tradition, drawing the picture of a sophisticated, worldly universe, confined to a few urban centres (Paris, Venice) and to some privileged, interior settings imbued with sensuality (boudoirs, petites-maisons). The key is evocation rather than description, literary reminiscences rather than the observation of reality. Musset's characters, too, display traits that set them in the tradition of the heroes of the libertine novel, in a relationship equally comprising admiration and desired imitation, as well as polemical opposition and reinterpretation. They are, notably, good talkers and seducers. Whether employed in dangerous and corrupting designs, or in more playful and lighthearted tones, their speech is marked by a language, a phrasing, a style, a seductive intent typical of libertine writing. This is precisely where we can recognize the most fruitful and most deeply rooted libertine heritage in Musset's works: an elegant and allusive language, which suggests eroticism and desire without vulgarity; a style composed of decent yet evocative metaphors, insinuating reticence, artful ellipses. It is finally a way of writing that elicits the reader's complicitous cooperation and irresistibly seduces him. Between reviving and transcending the libertine model, reusing and ironically distorting the clichés derived from this tradition, Musset's work develops its originality and its charm.
Abstract FR:
L'écriture de Musset doit plus qu'on ne le pense aux écrivains libertins du XVIIIe siècle. Il suffit, pour s'en rendre compte, de se débarrasser des vieux clichés critiques et de porter un regard nouveau sur son œuvre. Les lieux mêmes de l'action renvoient à la tradition libertine, dessinant un univers sophistiqué, mondain, réduit à quelques espaces urbains (Paris, Venise) et à quelques décors privilégiés empreints de sensualité (boudoirs, petites-maisons). L'évocation prime sur la description, les souvenirs de lecture sur l'observation du réel. Les personnages de Musset, à leur tour, révèlent des traits qui les placent dans le sillage des héros du roman libertin, dans un rapport fait tantôt d'admiration et de désir d'imitation, tantôt d'opposition polémique et de relecture. Ils sont, notamment, des beaux parleurs et des séducteurs. Qu'ils l'emploient dans ses variantes dangereuses et corruptrices, ou dans d'autres plus ludiques et légères, ils se servent d'un discours marqué par un langage, des tournures, un style, une intention séductrice typiques de l'écriture libertine. C'est justement là qu'on peut reconnaître l'héritage libertin le plus fécond et le plus profondément enraciné dans l'œuvre de Musset : un langage élégant et allusif, qui suggère l'érotisme et le désir sans grossièretés, un style fait de métaphores décentes mais évocatrices, de réticences insinuantes, d'ellipses malicieuses. Bref, une manière d'écrire qui fait appel à la complicité du lecteur et tend à le séduire. Entre reprise et dépassement du modèle libertin, remploi et détournement ironique des clichés issus de cette tradition, l'œuvre de Musset trouve la voie de son originalité et de son charme.