L'idée de monstre au XVIIIe siècle : savoirs et fantasmes
Institution:
Paris 4Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
"Qu'entendez-vous donc par un monstre ?" this question, twice asked by Diderot - first in his translation of Shaftesbury (1746) and later in the elements de physiologic (1781) - serves as the point of departure this thesis. Conceived of as pluridisciplinary intellectual history project encompassing the history of the life sciences, the history of nature, the history of medicine as well as a cultural history of monstrosity which spans the domains of literature, philosophy, esthetics, ethnology, religion, and law, this work attempts to underline the originality and the essential function of monstrosity in the era's imagination. Object of knowledge and fantasy, the monster remains a "paradoxe" - to cite Linnaeus - incompatible with the uniformity and reasonableness of nature as it was postulated by those living in the era of the encyclopedia. Simultaneously lacking and overflowing with meaning, the monster evokes order and optimism as well as disorder and suffering for the century's pundits and common people alike ; in this sense, the treatment of the monstrous body is a reflection of the era's contradictory world views. An integral factor in several epistemological revolutions during the era, the monster has an ambivalent status: as a signal and beacon for some thinkers, and as a disrupting and transgressive counterexample to any normative principle for others.
Abstract FR:
"Qu'entendez-vous donc par un monstre ?" en partant de l'interrogation formulée par Diderot, de sa traduction de Shaftesbury (1746) aux Éléments de physiologie (1781), cette thèse s'efforce d'explorer diverses facettes de la monstruosité au XVIIIe siècle. Dans une perspective pluridisciplinaire, qui se situe au carrefour de l'histoire des idées - en particulier celle de nature -, l'histoire des sciences - notamment celles de la vie et de la médecine -, et une histoire culturelle élargie qui englobe la littérature et la philosophie, l'esthétique et l'ethnologie, la religion et la justice, ce travail tente de faire valoir l'originalité et la fonction essentielles du monstrueux dans l'imaginaire de l'époque. Objet de savoirs et de fantasmes, le monstre reste un "paradoxe", pour reprendre le mot de Linné, irréductible à l'uniformité de la nature et à la raison postulées par les contemporains de l'encyclopédie. Tantôt trop plein, tantôt trop vide de sens, il renvoie aux savants et aux profanes des représentations contradictoires d'ordre et d'optimisme, mais également de désordre et de souffrance, qui d'une approche des corps s'étendent à une vision de l'univers. Participant aux bouleversements épistémologiques du siècle, son ambivalence sert de révélateur et de repère chez les uns, de "dérégulateur" et de prétexte à l'égarement chez les autres, de principe normatif ou transgressif, en somme "d'empêcheur de penser en rond.