Abstract FR:

Saisir la vivacité du monde, être dans ce passage ou brutalement le réel passe en soi et s'impose spontanément dans l'énergie de l'éveil, tel est l'enjeu de la poésie d'André du Bouchet. Projet apparemment facile, évident et simple, mais s'ouvrir à cette évidence du simple, c'est s'engager dans le plus extrême dépouillement. En effet peu de chose s'imposent sur la frappe du premier contact. La perception du dehors ne révèle pas encore d'une appréhension surchargée de codifications diverses, qu'elles soient collectives ou individuelles, seul un élémentaire a ici droit d'inscription. Face à cet appel du monde, l'écriture est ainsi appelée à se tenir sur la crête même du langage, la mémoire et ses fables doivent oublier leurs structures, et la conscience est amenée 0 s'ouvrir en pur accueil, une position fragile et instable qui risque en même temps de l'effacer. Mais pas d'abstraction en cette poésie, pas de perte du sujet en un monde qui le déborde et le décadre. La relation au réel s'impose sur le paradoxe d'un abandon et d'un saisissement au travers duquel un "espace d'être" se dégage fugitivement et que l'écriture a pour fonction de retenir et d'élargir. C’est cet espace qu'interroge plus particulièrement le recueil dans la chaleur vacante. Au travers d'une lecture détaillée de chaque poème nous avons dégagé la nature de cet espace du simple, la manière dont du Bouchet l'appréhende tant au niveau sémiologique, que formel et existentiel. En questionnant préalablement l'œuvre du poète en ses grands points, une série de notions s'est dégagée ("vision", "parole-énergie", "foi perceptive", "pensée de l'inattention", "conscience claire", esthétique du "coup d'œil", de l'incise et de la retouche) et a servi de cadre à nos lectures successives. Nous nous sommes alors attachés à souligner la cohérence du recueil, le parcours d'ensemble qui le dessine et le structure, un cheminement qui place cette écriture du côté d'une marche inaboutie où la légitimité du texte est sans cesse remise en question.