Abstract FR:

L'apologétique catholique subit au cours du XVIIIe siècle une profonde transformation, qui tient au renouveau de la rhétorique, à l'évolution des mentalités, au durcissement des conflits entre l'église et les philosophes. Par nature perméable au monde contemporain, elle se fait le reflet de ces mutations conjuguées, en accommodant la religion à la sensibilité présente. Empruntant à la littérature séculière son traitement de la conversion, les apologistes des années 1770 engagent un dialogue polémique avec la pensée adverse dans le cadre d'un sous-genre inédit, le roman antiphilosophique. Philippe-Louis Gérard, converti et apologiste, est représentatif de cette classe d'écrivains religieux qui entendent retourner contre les philosophes leurs propres armes. Son comte de Valmont, aboutissement d'une ample réflexion sur l'apologétique, est exemplaire de la réponse apportée à une attente du public ; son succès, qui fut considérable, s'explique par son insertion dans le champ littéraire, par l'écho qu'il fit naitre dans la culture littéraire des lecteurs, et par la version édulcorée et mondanisée qu'il offre du christianisme. Manuel de vie chrétienne, familiale et bourgeoise, le comte de Valmont prend également place dans la réflexion pédagogique du siècle. Ses nombreuses notes en font enfin une somme de la pensée des Lumières, à l'usage du chrétien éclaire, mais en annexant les philosophes cités au projet de l'auteur. Livre total, il pose aussi la question de son statut, de ses usages et de ses pouvoirs, reflétant les débats en cours sur le livre et ses dangers, les questions que pose à l'Église le développement de l'imprimé, et les prétentions hégémoniques de l'apologétique.