L'Idéal quotidien : poésie, société et quête d'utopie au XIXe siècle
Institution:
Université Marc Bloch (Strasbourg) (1971-2008)Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
In this dissertation I study the poetry of two of the nineteenth century's more important authors, Charles Baudelaire and Stéphane Mallarmé, in order to show how their formulation of a utopian literary practice can serve as a model for understanding the complex interactions between literature and society. I contend that authors like Baudelaire and Mallarmé no longer 'show' utopia; instead, they attempt to 'produce' it through the creation of a revolutionary kind of poetic language. While this essentially theoretical approach examines something like the discursive logic of the utopian from a twenty-first-century perspective, it does so by building on a historical reading of nineteenth-century utopian practice. In the introductory stages of my work, I show how representations of utopia in pre-Revolutionary French literature were fantasies about social possibilities. Because utopia was never some distant island (not even in Thomas More's 1516 eponymous novel) but rather a sophisticated metaphor for existing society, the 'space' utopia occupied and defined was that of literary discourse itself. In the nineteenth century, however, two factors conspired to alter the nature and objectives of utopian practice: (1) technological advances brought on by the Industrial Revolution; and (2) the political void left by the collapse of the French monarchy. Together these elements made many citizens of this emerging but still undefined social order believe that true utopia was imminent. Utopian movements flourished. The great expectations they engendered became the ideological catalysts for the litany of revolutions that define the century. While the impact of utopian thought on nineteenth-century French politics is well documented, no significant scholarly work to date has investigated the rich interplay between utopia, literary production and society. I argue this is because the subject is embroiled in one of the great paradoxes of nineteenth-century literature. For the closer society thought itself to utopia the more superfluous abstract literary fantasies of the social sphere became. By mid-century, however, these utopian social movements begin to disintegrate under the weight of their untenable dreams. It is at this point, I contend, that utopia resurfaces in the literary, but in entirely new and unexpected ways - in the formulation of a dystopian literary model in Baudelaire's "Pauvre Belgique" and in the fetishisation of female bodies in Mallarmé's poetry to name two examples. If literary scholars have generally ignored the significance of this fundamental shift in utopian literary practice, it is, I contend, because most have viewed the fields it affects as distinctly autonomous. Utopian literature has been perceived either as a social-political problem or as an aesthetic-literary problem but not as both. On one hand, sociological readings of the era tend to concentrate solely on the causal association between literary production and the introduction of market forces in French publishing circles. . .
Abstract FR:
Dans le présent travail j'étudie les œuvres de Charles Baudelaire et Stéphane Mallarmé afin de montrer comment leur formulation d'une pratique utopique peut servir de modèle pour comprendre les interactions complexes entre littérature et société au XIXe siècle. J'avance l'hypothèse selon laquelle les auteurs tels Baudelaire et Mallarmé ne " montrent " point l'utopie, mais tentent de la " produire ", comme le dirait Michel de Certeau, à travers " les fonctions d'une sociabilité humaine " - notamment celle du Dandy flânant dans la ville, tout comme celle de l'épistolier esseulé regrettant une altérité absente. Ces pratiques quotidiennes, voudrais-je soutenir, se traduisent, dans le domaine de la littérature, en un langage poétique révolutionnaire. Si cette perspective, informée par un appareil théorique contemporain, veut dégager quelque chose comme une logique discursive de l'utopique, elle construit ses arguments sur une lecture historique des utopies sociales du XIXe siècle. Alors que l'effet qu'aurait pu avoir la pensée de type utopique sur l'histoire politique du siècle est aujourd'hui largement étudié, aucun travail d'érudition n'a considéré les multiples réseaux d'influence existant entre littérature, utopie et société. Cette lacune trouverait ses sources dans un des plus grands paradoxes de la littérature du XIXe siècle : en effet, plus la société se croyait en proximité avec l'utopie, plus les fantaisies littéraires se portant sur la sphère sociale sont devenues superficielles. Mais les utopies sociales, qui ont connu un exceptionnel développement au cours du XIXe siècle - du saint-simonisme au fouriérisme - semblent, après les bouleversements du milieu du siècle, dans sa seconde moitié s'être reversées au compte de la poésie : chez un Baudelaire en effet, le travail poétique - et nous employons ce mot de travail à dessein - est pensé dans un contexte économique que le lecteur premier des Fleurs du Mal ne percevra pas nécessairement, comme une " production " sociale à réaliser. Pour un Mallarmé en quête d'une harmonie universelle, la faillite des dispositions sociales nouvelles dévoile une carence des plus significatives, celle d'autrui. Il faut alors produire de nouveaux modes de communication et d'organisation sociales à partir d'un praxis livresque que le poète formule dans sa grande œuvre inachevée. Les utopies insoupçonnées que formulent ces poètes en réaction à la débâcle des tentatives de rénovation sociale ouvrent ainsi une voie de recherche nouvelle à partir de laquelle il serait possible de penser le XIXe siècle tout entier.