Abstract FR:

Cette recherche évalue le rôle et la prégnance de la Bible dans l'existence et l'écriture de Julien Green. Le livre, hypostase du Verbe, s'entoure dès l'enfance d'une aura sacrée comme la mère d'une dévotion infaillible. Fidèle à sa structure cyclique, la Bible opère la fusion du passé mythique de l'enfance et d'un futur eschatologique. Parole globale, elle inspire à Green une conception du langage, un imaginaire linguistique. Parole en action, le Livre est pour l'écrivain le miroir du créé. Il soulève le rideau des apparences et prend la mesure de tout temps, notamment de l'Histoire à travers une vision providentialiste. Source d'inspiration du chrétien, la Bible est la médiatrice qui rapprocha ces deux moitiés inconciliables. La centralité de la Bible dans l'univers greenien révèle surtout l'importance de la figure christique, etymon du texte, rendue plus saisissante par sa lecture spéculaire et typologique des Ecritures. La Bible nourrit la pensée, infléchit le style, imprègne l'écriture de Julien Green dans son rapport à l'Autre. En ce sens, elle est une dynamique à l'oeuvre ; cette vitalité intertextuelle montre en quoi l'oeuvre de Green répond à sa lecture biblique et sous quelles formes se manifestent des reprises. Il n'est pas jusqu'au paratexte ou à l'onomastique qui ne soient pénétrés par l'Ecriture. Trois romans [Le voyageur sur la terre, Varouna et Moi͏̈ra], jalons exemplaires d'un parcours intérieur, attestent de la vividité des images bibliques. Véritable matrice de l'oeuvre, la Bible n'est pas un simple réservoir d'images ; elle influe sur la structure de l'intrigue, la modélisation des personnages, l'espace et le temps du récit et l'énonciation. Ce travail ouvre une nouvelle perspective dans l'étude d'un auteur souvent classé selon ses convictions religieuses, moins selon la poétique de son écriture où la Bible joue un rôle de premier ordre.