Abstract FR:

Le jeu de mots constitue une realite polymorphe, aux frontieres indecises. Il consiste en une manipulation qui detourne le materiau linguistique de son usage strictement signifiant pour en faire la base d'un jeu social generateur de plaisir. Pratique depuis la nuit des temps, souvent deconsidere, le jeu langagier inspire neanmoins l'homme de lettres. En temoigne l'usage raisonne et concerte qu'en firent, en des perspectives diverses, grands rhetoriqueurs et surrealistes. De nombreuses figures ludiques appartiennent a la categorie de l'equivoque. Dans le calembour, un texte donne "joue" sur un autre texte, latent. Le calembour se percoit plus ou moins aisement, ce qui explique qu'il soit souvent accompagne d'un indice susceptible d'en faciliter l'identification. L'occurence verbo-ludique ne se manifeste pas forcement de maniere conventionnelle. La chanson, notamment, participe de la creation d'effets specifiques, mis en oeuvre a travers une "mecanique". L'art de boby lapointe revele un emploi original des alliterations, assonances, metatheses, interjections et onomatopees, qui participent d'une gigantesque "partition" verbale. Le jeu de mots procede de la connotation, car il temoigne de l'apparition dans le discours de valeurs expressives inhabituelles. La communication verbo-ludi que necessite un double encodage, denotatif et connotatif : le discours, parasite par le "bruit" ludo-expressif, donne naissance a un nouveau message de caractere eminemment poetique. Sur le plan psychique, le jeu de mots constitue un moyen de satisfaire une pulsion hostile normalement soumise a l'inhibition. Mais il dissimule en outre un drame profond, edifie dans l'enfance du sujet et refoule dans son inconscient. Jouer avec le verbe, c'est tenter, en une agression sublimee contre l'absurde, de triompher de ce drame.