Le corps et la lettre : lecture de l'oeuvre de Georges Perec
Institution:
Bordeaux 3Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Perec’s work is striking because of its singularity and even its anachronism in a century marked by the emergence of « body writings » giving a primary role to voice and sexuality. Perec’s writing is indeed characterized by a withdrawal of the body evidenced in the disembodied nature of his characters and in his few references to sensations and affects. But there does seem to be in Perec a desire to “embody” the text; the difference with most of his contemporaries is that his desire expresses itself in a more hesitant or indirect way. Vision, in particular, plays an important role: Perec’s texts create a feeling of abstraction mostly based on the overemphasized presence of visual elements, as his taste for the graphic dimension of signs testifies. The embodiment of the letter, the spatiality of the page constitutes one of the essential modalities of Perec’s inscription of the body: the drawing of the letters is a reminiscence of the writer’s gesture or of the absent bodies of the paternal figures. What emerges in Perec’s writing is a very litteral form of “body writing” where the image of the words prevails over rare metaphors. In W, Perec himself says his writing is “white”: this whiteness, partly shaped by the metonymy, which tends to work in his writing as the dominant trope, could count among the marks of a melancholy already suggested by the withdrawal of the body and partially surpassed, or overcome, by his very writing.
Abstract FR:
L’œuvre de Perec frappe sans doute d’abord par sa singularité, voire son anachronisme, en un siècle marqué par l’essor des « écritures du corps », le passage sur le devant de la scène de la sexualité ou de la voix. Elle est marquée en effet par un retrait du corps, lisible entre autres dans le caractère désincarné de ses personnages ou la place ténue qu’occupent chez lui sensations et affects. Le désir de « donner corps » au texte ne lui semble cependant pas étranger ; il se formule seulement de manière plus hésitante ou détournée que chez nombre de ses contemporains. C’est autour du regard notamment qu’une telle tentative s’articulera : le sentiment d’abstraction que peuvent laisser les textes de Perec tient en partie à la survalorisation du visuel qui caractérise son univers ; son attachement à la dimension graphique des signes en témoigne tout particulièrement. Or, cet investissement du « corps » de la lettre, de la spatialité de la page constitue l’une des modalités essentielles de l’inscription du corps chez lui : il revient au tracé des lettres de conserver la trace du geste du scripteur, ou de porter la marque du corps absent des figures parentales. C’est une forme très littérale d’« écriture du corps » qui se dessine ainsi, l’image des mots paraissant prendre le pas sur une métaphore qui se fait rare. Perec lui-même, dans W, qualifie ainsi son écriture de « blanche » : cette blancheur, le rôle de la métonymie, qui tend à fonctionner chez lui comme trope dominant, pourraient compter parmi les marques d’une mélancolie que ce retrait du corps laissait présager ; mélancolie dont son écriture toutefois ménage aussi les voies d’un en-dehors ou d’un dépassement.