La critique de l'usage : la question politique de l'écriture dans Les Caractères de La Bruyère
Institution:
Paris 10Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
This study is an attempt to consider certain types of writing in their relationships to social practices and the political context. The analysis of the growing amount of printed material, which, during the xviith century, offers ethical discourse as a means to shape social attitudes, leads us to underline the growing importance of the theme of common language ("la langue"). This conception of language is the basis for representations of man which are grounded on the sociability of conversation. This has important consequences for the conception of writing, imagined on the model of speech, and, more and more as the century progresses, on that of conversation. The debates on language bring forth questions essential to writing, such as the possibility to contravene the grammatical norms of the "langue d'usage", the right of the author to pass judgement from his own, even the problem of the users' representations of their social universe or that of the function they attach to printed matter. Writers do not take part in this debate only through explicit expression. The relationship of their writing to their native language may also reveal a critical attitude. In les caracteres of la bruyere, a number of distorsions of the grammatical norms struck the contemporaries. The dispersion of the instances of enonciation, or the use of the indirect style, demand that the reader reconsider the practical uses of his linguistic habits. These techniques undo common illusions about language which are also common illusions about the world. La bruyere uses the disposition of separate "caracteres" in his book, its editorial progression and its typographical organisation to question linguistical practises. Thus, on the basis of an analysis of les caracteres, we attemp to define the shape, possibilities and limits of a critical form of writing.
Abstract FR:
On propose dans cette etude de considerer les formes de l'ecriture dans leur rapport aux pratiques sociales et a l'espace politique. L'examen des ouvrages imprimes, de plus en plus nombreux au cours du xviie siecle, qui proposent une "morale" comme formation de l'homme sociable, conduit a souligner l'importance croissante du theme de la langue: il sous-tend des representations de l'homme fondees sur la sociabilite de la conversation, et explique la parente manifeste entre art de parler et art de vivre en societe, entre grammaires d'usage et arts de plaire. Il a des consequences capitales sur les formes de l'ecriture, imaginee sur le modele de la parole, et, de plus en plus au cours du siecle, de la parole sociable. Les debats sur la langue engagent des questions capitales pour l'ecriture: la possibilite de contrevenir aux normes grammaticales de la langue d'usage; le droit de l'auteur, du lecteur et du critique a faire valoir un jugement particulier; les formes de representation de l'univers social; les fonctions de la publication imprimee. Ce n'est pas seulement par leurs prises de position explicites que les ecrivains prennent part au debat. Le rapport de leur ecriture a la langue peut determiner un retournement critique. Dans les caracteres, une serie de ruptures des normes grammaticales a frappe les lecteurs contemporains; la dispersion des enonces, le discours indirect libre, permettent de mettre en cause les usages pratiques de l'usage linguistique: ils defont les illusions partagees de la langue, qui sont aussi des illusions partagees sur le monde. La bruyere s'appuie sur la disposition des enonces dans le livre, sa progression editoriale et son organisation typographique pour mettre en cause l'usage de la langue. Sur l'exemple des caracteres, on tente de definir les formes, les enjeux et les limites d'une ecriture critique.