Le "persiflage" dans la littérature française du dix-huitième siècle (1735-1810) : modernité d'un néologisme
Institution:
Paris 4Disciplines:
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Abstract EN:
The neologism persiflage was coined in 1735 and became widely used until the end of the 18th century. A survey of the word his usage reveals that it is a key to understand of many texts of that period. Although persiflage is commonly derived from per (intensive) + seiffler (to whistle), its etymology can be reassessed as the "language of persifles" - the hero of an "amphigourique" parody : persiflage originally refers to the oversophisticated and bombastic neological language spoken by the "petits-maitres" in their salons. L later on, the word is construed as ironical, as is suggested by the pseudo-root siffler, and conjures up a derisive attitude towards someone who does not suspect he is made sport of. Addressed with flattery, the interlocutor naively dids up and is therefore made to play a part in the libertine domineering strategy. Persiflage is also an accusation that has been made against some philosophers blamed for their over-variegated style or mystifying purposes - especially in the case of Voltaire. At all events, persiflage is closely linked with the 18th'century reflexion on the origin, value, and power of language, which cleared the way for - among other literary trends - the first person epistolary novel. The French revolution was to bring persiflage to its close, but may also be interpreted as partly rooted in that literary fashion and the whole literary debate shattered the 18th century.
Abstract FR:
Le persiflage, néologisme de 1735, a connu tout a long du 18e siècle une grande vogue: l'étude du mot et de la chose révèle qu'il s'agit d'un mot clé pour la lecture de nombreux textes de cette époque. Selon l'hypothèse étymologique proposée, le mot dérive du nom de persifles, héros d'une parodie amphigourique, avec le sens de "langage de persifles", plutôt que de siffler renforc par la particule per, interprétation générale admise: le persiflage désigne originellement le langage néologique, ampoulé, plus ou moins parodique, que les petits-maitres pratiquent dans les salons. Ce n'est qu'ensuite que le mot se teinte de l'ironie suggérée par la pseudo-racine siffler, et désigne le fait de se moquer de quelqu'un sans qu'il s'en doute, en lui tenant des propos flatteurs sur lesquels il renchérit ingénument jouant ainsi un rôle essentiel dans l'entreprise libertine de "maitrise" d'autrui. Le persiflage est également une accusation lancée contre certains philosophes, à qui on reproche la bigarrure stylistique de leurs œuvres ou diverses mystifications auxquelles ils se livrent, Voltaire particulièrement. Le persiflage s'avère dans tous les cas intimement lié à la réflexion de tout le siècle sur l'origine, la valeur et le pouvoir du langage, qui se traduit, sur le plan esthétique, par l'évolution des genres littéraires: le discours à la première personne prend une place prépondérante, notamment dans le développement du roman épistolaire, qui se révèle précisément le genre le plus adapté à la "mise en scène" du persiflage. Le persiflage disparait progressivement après la révolution, qui trouve peut-être certaines de ses sources dans le mouvement néologique et la réflexion sur le langage qui traverse le siècle.