Abstract FR:

Dans les livres du peintre Georges Braque publiés de 1918 à 1963, s'instaurent entre les mots et les images des rapports fondés sur la tension. Le cahier, écrit et illustré par le peintre cubiste, présente en acte la << poétique de l'infinition >> dont témoigne l'ensemble de son oeuvre, il permet une approche théorique de l'illustration détachée de sa fonction mimétique : ni décorative ni interprétative, elle est d'abord indice de la présence de l'artiste. Aphorismes et dessins associés au sein du huis clos de la page forment un système dans lequel chacun des éléments met l'autre en mouvement, engendrant des effets de résonance qui se declinent sous trois formes, l'échange, l'amplification et la conjugaison. Le jeu des rapports se manifeste dans un << stable virement >>, source de jubilation. Les livres que Braque réalise avec ses amis poètes jouent de ces formes de résonance d'autant mieux que ces derniers adossent leur << poétique >> à celle du peintre tout en affirmant l'écart entre les deux modes d'expression. Braque et Reverdy qui, des 1917, ont défini ensemble un << art de création >> fondé sur << des moyens nouveaux >> créent ensemble des livres dont la dimension expérimentale culmine dans la liberté des mers, oeuvre à la limite ou calligraphie et ornements se mettent au service du principe poétique d'équivalence. D'Héraclite d'Ephèse à lettera amorosa, poème du désir, c'est sur << l'alliance des contraires >> que se fondent les livres de Braque et René Char. Dans cinq sapates, l'image semble opposer la présence à la menace de l'absence inscrite par Francis Ponge au coeur des choses. Cette même présence se manifeste dans les livres de Pierre André Benoit, les images-indices participant d'une liturgie au service de l'invisible. Ainsi, les ouvrages de Braque permettent de définir << le livre de peintre >> par la justesse des rapports unissant deux modes d'expression aux moyens propres.