Abstract FR:

Une lecture erotique de l'uvre de raymond queneau (1903-1976) peut surprendre l'exegete habitue a privilegier d'autres axes critiques. Cependant, si certains textes presentent un discours sexuel manifeste, d'autres s'organisent autour d'une thematique erotique a la fois masquee et mise en relief par l'enonciation. Les corrections ambivalentes effectuees sur les textes montrent egalement que la censure fait partie integrante de l'ecriture quenienne. Quatre parties soulignent cette esthetique de la dualite fondee sur la presence et l'absence d'erotisme : tout d'abord la sexualite clairement affichee dans les textes, ensuite la creation d'un espace erotique urbain, puis l'image du corps feminin, et enfin l'espace erotique du langage qui prend en compte les inedits et les variantes poetiques. Ces differentes parties mettent en valeur les ruses enonciatives de queneau, puisees dans la rhetorique erotique. L'art de l'esquive - metaphores, homophonies, allusions - la distance de l'humour, le traitement ambigu du mythe feminin et des motifs romanesques, sont autant de detournements qui mettent en relief le trait d'erotisme. L'exploration passionnee des ressources du langage, cette attention aux mots et a leur ordre - qui expriment parfois un desordre sexuel - restent l'aspect le plus marquant de l'erotisme de queneau, qui etablit un rapport quasi-chamel avec le langage : l'erotisme quenien, integre dans le langage, devient le langage lui-meme. Cette jouissance procuree par la lecture et l'ecriture developpe alors une dynamique d'ecriture jubilatoire dans un espace poetique ou creation litteraire et sexualite se confondent dans une meme unite.