Écrire après : les récits lazaréens de Jean Cayrol
Institution:
Paris 4Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
We can read the fictions published by Jean Cayrol between 1947 and 1968 as a proposal of poetic art for the fiction after the concentration camps. Jean Cayrol tried very early to explain his project in an essay entitled pour un romanesque lazareen. But this text doesn't explain what is, according to us, his most important intuition: the idea to create a relation between the literature of the concentration camps and the fiction. Even if the novels of Jean Cayrol take place in a contemporary world and in everyday life, their details, their themes, and the way they are written remind us of the literature of the holocaust. Their enunciation is characterized by the same obsessions as in the literature of the concentration camps (inaudible, inexpressible, memory) but these fictions find their own way, their own literary form, to express this (instability of the enunciation, poetic of misunderstanding, invention of the memory). These novels, full of traps and incoherences, trouble the readers and deprive them of any possibility of catharsis. Analysing this system of similarity may help us understand the position of Jean Cayrol's novels in the literature of the 50's. How can his texts have something in common with the literature of the concentration camps and with the new novel at the same time?
Abstract FR:
Les récits publiés par Jean Cayrol de 1947 a 1968 peuvent être lus comme une proposition de poétique pour la fiction d'après les camps. Très tôt, Jean Cayrol s'est efforcé d'expliciter son projet sous la forme d'un manifeste, intitulé pour un romanesque lazaréen. Cet essai passe pourtant sous silence son intuition majeure, qui réside, selon nous, dans l'établissement d'un dialogue entre le corpus des témoignages et l'écriture de fiction. Tout en situant leur diégèse dans un monde contemporain et dans un univers quotidien, ces romans, par les indices dont ils sont parsemés, par le choix de leurs topiques et de leurs structures narratives, ainsi que par les métaphores qui gouvernent leur écriture, construisent une relation d'analogie avec les témoignages. De plus, le traitement qu'ils font de l'énonciation rappelle les obsessions propres aux récits des camps (indicible, inaudible, mémoire) tout en leur donnant une forme et des prolongements inédits (l'instabilité énonciative, la poétique du malentendu, l'invention de la mémoire). Enfin, ces récits mettent en question l'idée que la lecture d'un texte de fiction puisse offrir une possibilité de catharsis : ils s'emploient à instiller le malaise chez le lecteur en ménageant des pièges, en désagrégeant la cohérence narrative, ou en brouillant les frontières entre victimes et bourreaux. C'est à l'examen de ce système analogique global qu'est consacrée cette étude. Une telle perspective permet de mieux comprendre la position spécifique de l'œuvre de J. Cayrol, à mi chemin entre une littérature transitive (le témoignage) et une littérature intransitive (le nouveau roman).