Narcisse contrarié : l'amour propre dans le discours moral en France
Institution:
Paris 4Disciplines:
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Abstract EN:
In Seventeenth-century France, self-love, “the love of self, and of all things for self” as La Rochefoucauld defines it, is at the core of the reflection of authors traditionally gathered under the name “Classical moralists”. An item of the antihumanist topic, this deceptive power blurs values and discourses, and produces in the reader a resistance to truth. These works firstly strive to delineate the usage history and diffusion of the term in the French language, from spirituality to moral theology. A second part approaches the main systems of self-love (Pascal, Nicole, La Rochefoucauld, Malebranche, Fénelon), along with their peripheral reflections where Epicureanism plays an important role. Self-love therein appears as a deceptive power with ambivalent effects, both a source of inauthenticity and the origin of virtuous behaviors. The third part covers the demystification which the moral discourse performs: the systematic questioning of the genuineness of behaviors imposes to constitute a paradoxical axiology. Our fourth part strives to draw the legitimacy of moral judgment: under which conditions is it possible to censor the behavior of one's neighbors? The fifth part examines the pragmatic project of the moral discourse which consists of correcting the reader. The latter is made to face their own unbearable image. The moral discourse risks non acceptance by running contrary to the reader's fallacious certainties, which in turns questions both the effectiveness of the discourse and its very legitimacy.
Abstract FR:
Pour le XVIIe siècle français, l'amour propre, que La Rochefoucauld définit comme " l'amour de soi et de toutes choses pour soi ", est au cœur de la réflexion des auteurs que la tradition a regroupés sous la dénomination de " moralistes classiques ". Élément de la topique anti-humaniste, cette puissance trompeuse brouille les valeurs et les discours, et produit, chez le lecteur, une résistance à la vérité. Ce travail s'attache en premier lieu à retracer l'histoire et la diffusion du terme en langue française, entre spiritualité et théologie morale. Une deuxième partie aborde les principaux systèmes de l'amour propre (Pascal, Nicole, La Rochefoucauld, Malebranche, Fénelon), ainsi que les marges de ces réflexions, où l'épicurisme tient un rôle important. L'amour propre y apparaît comme un facteur d'illusion aux effets ambivalents, source d'inauthenticité, mais aussi origine de conduites vertueuses. La troisième partie est consacrée à la démystification à laquelle se livre le discours moral : l'interrogation systématique sur l'authenticité des comportements impose de constituer une axiologie paradoxale. Notre quatrième partie s'attache à dégager la légitimité du jugement moral : à quelles conditions est-il possible de censurer les conduites de ses semblables ? La cinquième partie examine le projet pragmatique du discours moral, qui consiste à corriger le lecteur. Celui-ci est mis face à sa propre image, insoutenable. Le discours moral contrarie le lecteur dans ses fausses certitudes, au risque de ne pas être accepté par ce dernier, et s'interroge donc sur sa propre efficacité et sa propre légitimité.