Abstract FR:

Cette étude s'emploie à montrer le rôle central du corps dans l'ensemble de l'œuvre de Jean Giono. Elle en analyse d'abord la place dans le texte, aux plans des descriptions et de la narration, et constate non seulement son omniprésence, mais aussi son autonomie : le corps parait échapper à l'économie narrative pour exhiber l'être au monde des personnages. Par le corps, en effet, Jean Giono souligne la condition terrestre de l'être humain. On peut parler d'un " matérialisme ", si on le définit comme sensualité : comme une fusion avec la plénitude de l'univers. Mais les individus sont alors exposés à l'écartèlement. Tout autant que des " corps au monde ", ils sont des corps contre le monde, voire à l'envers du monde. C'est dire que le corps gionien se place également - sans éviter les contradictions, il s'en faut - à l'envers de la plénitude, du côté du néant, à l'envers du réel, lorsque l'imaginaire tend à s'y substituer, et même à l'envers de la parole, qu'il confronte à son impuissance. Par ces renversements se déploie la complexité de l'œuvre de Giono, s'interrogeant à la fois sur la nature de l'individu et sur les pouvoirs de la littérature ; le corps y condense l'incessante remise en jeu du réel par l'écriture et de l'écriture par le réel.