Le schéma de la technique dans les cosmologies grecques anciennes : éléments pour une histoire d'une pensée de substitution
Institution:
Paris, EHESSDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
Greek cosmologies, as well as the great philosophical myths accounting for the origin of the world and its present state, more or less explicitly raise the question of representation in language. Analogy, metaphor, and scheme, are so many modalities of what we couId call "substitutive thinking": not in the lexical sense according to which a statement substitutes for another already denoting the thing, but in the more fundamental sense according to which the description of another reality than the one we seek to know substitutes for that which would remain unnamed without this act of substitution. It is in virtue of this operation that schemes such as divine genealogy in Hesiod, or justice in Anaximander, substitute for, and thus enable our knowledge of, an inaccessible reality. The scheme of techné, whose history this work attempts to trace from Hesiod to Aristotle, provides a prominent example showing the emergence of a specific form of rationality in Greek thought, which is neither demonstrative nor dialectic but nevertheless legitimate in its own order. This analysis accounts for the illustrative function of the scheme, as well as the theoretical significations, the logical leaps as well as the speculation that it allows to articulate within systems. Taking into account the reflexivity implied by this kind of intellectual operation, we are then compelled to consider the conditions in which schemes of substitution acquire their legitimacy within the discourse. This work claims a Kantian orientation and takes its inspiration from issues discussed by E. Cassirer, P. Ricœur and H. Blumenberg
Abstract FR:
Les cosmologies grecques, mais aussi les grands mythes savants qui rendent compte de l'origine du monde et de son état présent, posent à des degrés d'explicitation variables le problème de la représentation dans le langage. L'analogie, la métaphore, le schème sont autant de modalités de ce qu'on pourrait appeler une pensée de substitution, non dans le sens lexical selon lequel un énoncé se substitue à un autre qui désigne déjà la chose, mais dans le sens plus fondamental où la description d'une réalité autre que celle qu'on cherche à connaître se substitue à ce qui, sans ce transfert, resterait dans l'innommé. C'est en vertu de cette opération que des schèmes tels que la généalogie divine chez Hésiode, ou justice chez Anaximandre, se substituent à une réalité inaccessible et rendent possible sa connaissance. Le schème de la technique, dont ce travail retrace l'histoire d'Hésiode à Aristote, fournit un exemple éminent pour mettre en évidence l'émergence dans la pensée grecque d'une forme de rationalité spécifique, qui sans être de type démonstratif ni dialectique, possède néanmoins une légitimité dans son ordre. L'analyse rend compte de la fonction illustrative du schème, autant que les significations théoriques, les sauts dans l'hypothèse et la spéculation qu'il permet d'articuler à l'intérieur des systèmes. Or, comme tenu de la réflexivité que ce type d'opération intellectuelle implique, on est amené à traiter de concert la question de savoir à quelles conditions les schèmes de substitution acquièrent une légitimité au sein des discours. Ce travail revendique une orientation kantienne et s'inspire des problématiques d’E. Cassirer, de P. Ricœur et de H. Blumenberg