La manie épistolaire : d’une analyse textuelle à une poétique des lettres asilaires conservées à la collection de l’art brut
Institution:
Paris 8Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Anchored in the field of discourse analysis, this dissertation studies a corpus of letters which were written by patients interned in pyschiatric institutions located in the French-speaking part of Switzerland. These letters were initially kept in the archives of the psychiatric institutions, but are now archived at the Collection de l’Art Brut, in Lausanne. Such an institutional transfer leads one to ponder on the current modalities of reception of these texts. To answer this question, a theory of language is needed. Enunciation theory (Benveniste) is particularly apt to analyse and to conceptualize language from the perspective of the interlocutor. Besides, enunciation theory opens to discursivity, enriching the corpus with a dialogical dimension which is here channelled around the theme of madness. The question which is then raised is the following : in which respect do the works of art brut exceed their status as clinical documents ? Coined by Gérard Dessons, the conceptual couple « manie » / « manière » allows one to conceptualize within language the shift of point of view which is required by the corpus. What is at stake, in broad outline, is to get rid of rhetorics to the benefit of a poetics of enunciation. The challenge is to quit thinking language on the basis of categories (such as genre, but also sign) which preexist texts and which are only able to capture variations on models (or worse, abnormalities, even symptoms) : one has to approach these texts according to the processes and, more globally and radically, according to the specific (and thus unnameable up until then – which is why they « drive one crazy ») modes of signification which they set up. This criticism of widely accepted conceptualities and this reversal of perspective form the epistemological knot of my dissertation.
Abstract FR:
Relevant globalement de l’analyse de discours, cette thèse se penche sur un corpus raisonné de lettres asilaires initialement conservées dans des archives d’hôpitaux psychiatriques de Suisse romande et désormais placées au sein des archives de la Collection de l’Art Brut, à Lausanne. Ce transfert institutionnel implique de s’intéresser aux modalités actuelles de réception des textes concernés. Pour répondre à cette question, il faut une théorie du langage. L’énonciation (Benveniste) permet tout particulièrement d’analyser et de conceptualiser dans le langage la perspective de l’interprétant. En outre, l’énonciation installe l’univers du discours, octroyant au corpus une dimension dialogique canalisée ici autour du thème de la folie. La réflexion débouche alors sur cette question : en quoi est-ce que les œuvres d’art brut dépassent-elles leur statut de documents cliniques ? Le couple manie/manière (Dessons) permet de conceptualiser dans le langage la conversion de point de vue que nécessite le corpus. A grands traits, il s’agit de se débarrasser d’une rhétorique au profit d’une poétique de l’énonciation. Ne pas penser le langage à partir de catégories (le genre, mais aussi le signe, notamment) qui préexistent aux textes et qui ne sont aptes à saisir que des variations de modèles (ou pire des déviances, voire des symptômes), mais les aborder en fonction des procédés et, plus globalement et radicalement, des modes de signifier spécifiques (et indésignables jusque-là – c’est pourquoi ils « rendent fous ») que ces textes mettent en place. La critique de nos conceptualités et le renversement de perspective constitue le nœud du problème épistémologique dont traite cette thèse.