thesis

Virginie et l’infanticide vertueux : un renouvellement moral et politique de la tragédie ?

Defense date:

July 3, 2020

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Institution:

Sorbonne université

Disciplines:

Abstract EN:

The story of the Roman Virginia, now quite forgotten, inspired dozens of tragedies across Europe between the 16th and 20th centuries. This corpus deserves to be studied because it gives an excellent insight into a subject still fairly neglected in the history of literature: the renewal of the tragic genre that took place in the 18th century. It does break with essential principles of Aristotelianism and of the classic French tradition, whose domination over Europe arose about 1700, by promoting characters from the people to the rank of tragic heroes, staging a revolution, replacing the Aristotelian moral system with a binary confrontation between vice and virtue, or even proposing an optimistic overcoming of the individual experience of tragedy by historical progress. This obvious formal rupture conceals, however, a continuation of the ideology attached to the tragedy, especially of the notion of aristocracy. The new tragic heroes, representatives of the bourgeoisie, appear as a new nobility, defined by its moral value, against the nobility and the rest of the people. They affirm the liberal values of a class waiting to see its economic rise crowned by the accession to political power. At the heart of the paradoxical renewal of tragedy and the celebration of bourgeois morality, lies the original motive of virtuous infanticide, which consecrates the value of bourgeois heroes in the most brilliant and the most tragic way.

Abstract FR:

L’histoire de la Romaine Virginie, aujourd’hui largement oubliée, a inspiré plusieurs dizaines de tragédies dans toute l’Europe entre le XVIe et le XXe siècle. Ce corpus mérite d’être étudié parce qu’il offre une excellente perspective sur un aspect encore assez négligé de l’histoire littéraire : le renouvellement du genre tragique qui a lieu au XVIIIe siècle. Il rompt en effet avec des principes essentiels de l’aristotélisme et de la tradition classique française, qui tend à s’imposer en Europe à partir de 1700, en promouvant des personnages issus du peuple au rang de héros tragiques, en mettant en scène une révolution, en remplaçant le système moral aristotélicien par un affrontement binaire entre le vice et la vertu, ou encore en proposant un dépassement optimiste du tragique individuel par le progrès historique. Cette rupture formelle manifeste cache cependant une reconduction de l’idéologie attachée à la tragédie, en particulier de la notion d’aristocratie. Les nouveaux héros tragiques, représentants de la bourgeoisie, se présentent comme une nouvelle noblesse, définie par sa valeur morale, contre la noblesse le reste du peuple. Ils affirment les valeurs libérales d’une classe qui attend de voir son ascension économique couronnée par l’accession au pouvoir politique. Au cœur du renouvellement paradoxal de la tragédie et de la célébration de la morale bourgeoise, il y a le motif original de l’infanticide vertueux, qui consacre la valeur des héros bourgeois de la manière la plus éclatante et la plus tragique possible.