La haine de la langue maternelle : une lecture de James Joyce, Jean Genet, Thomas Bernhard
Institution:
Paris 8Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
The syntagm “mother tongue” does not refer to a linguistic concept. Rather, it operates as a common set expression which superimposes different linguistic imaginaries. This thesis aims to deconstruct this expression through an analysis of XXth century novelistic poetics, focusing in particular on excessively distorted writing. The novels of James Joyce, Jean Genet and Thomas Bernhard use narrative and stylistic orchestrations to undermine the idea of a shared language allowing communication, the political dimension of national languages, the literal understanding of the “mother tongue” as the language of/from the mother, and the labeling of a first language as “native”. More generally, distorted writings contribute to the political anxiety the novels express concerning the fixation and fossilization of everyday language, the dominance of the nation-state apparatus and that of genealogical orders. Such a political engagement in writing allows these novelists to reject established monolingualisms and forge new relations with the Other and with foreign languages. Joyce, Genet and Bernhard abandon the ideology of normative grammar and develop singular idioms which draw on translation processes. The three writers break with traditional socio-political forms of belonging while creating “monolingualisms of the other” or idioms which don’t belong exclusively to any language. As both a so-called “native” speaker and a social subject, the author’s hatred of his own mother tongue resists the power of norms. Joyce, Genet and Bernhard attack the family romance and overarching national narratives through a poetics of hatred which sets texts and languages in motion, and in which metaphoric bile stands for the malleability of identities, categories and names. Their stylistics of dissent calls for a reading “in translation” that is mindful of the memory of languages.
Abstract FR:
Le syntagme de « langue maternelle » ne dénomme pas un concept mais fonctionne comme une expression commune qui condense différents imaginaires linguistiques. Il s’agit de relier la déconstruction de cette expression à la lueur de poétiques romanesques du XXe siècle et de différentes modalités d’excès stylistiques. Les corpus romanesques de James Joyce, Jean Genet et Thomas Bernhard mettent en crise, à l’échelle du récit comme au niveau de l’écriture, l’idée d’une langue commune de communication, la qualité politique de la langue nationale, l’image de la langue de la mère et l’imaginaire natal de la langue maternelle. Les défigurations stylistiques accompagnent l’inquiétude politique portée par les œuvres quant aux figements de la langue ordinaire et face au modèle de l’Etat-nation comme à l’ordre généalogique. L’intervention doublement littéraire et politique détourne les monolinguismes institués afin d’ouvrir de nouveaux rapports possibles avec l’étranger et les langues étrangères. En réponse à l’idéologie de la grammaire normative, l’écriture devient idiome et s’engage dans des processus de traduction. Joyce, Genet et Bernhard brisent les logiques et les mécaniques de l’appartenance sociale et politique en inventant des écritures en « plus d’une langue ». Le sujet de la langue et le sujet politique se retrouvent dans une même situation de résistance face au pouvoir des normes. Le roman familial et le grand récit de la nation sont pris à revers dans des textes en mouvement où la bile se joint à la labilité des identités, des catégories et des noms. Ces écritures en dissidence appellent enfin une lecture « en traduction » attentive à la mémoire des langues.