Abstract FR:

Figures solitaires et en apparence marginales sur la scène littéraire française et américaine de notre siècle, Jean Follain et Elizabeth Bishop ont chacun suivi une démarche créatrice dont la frappante singularité a pu masquer l'exemplarité dans la perspective d'une réévaluation de l'héritage de la poésie moderne, reposant sur la restauration poétique de la réalité contingente du devenir, dont celle-ci a tendu à se détourner : c'est en ce sens que l'on peut parler à leur propos de "poésie de l'immanence". Notre thèse s'appuie toutefois sur le redoublement de ce premier sens par un second : le choix de l'immanence de l'existence concrète et temporelle comme domaine de la poésie est en effet associé chez Follain et Bishop au refus de tout propos métaphysique - qu'il s'agisse d'une métaphysique de la transcendance ou de l'immanence. L'immanence définit ainsi pour eux non seulement l'objet privilégié de la parole poétique, mais aussi la nature du rapport que cette parole s'efforce d'entretenir avec son objet. Notre travail s'organise en deux parties : la première explore le lieu existentiel et poétique où l'idéal d'adéquation de la parole poétique à l'existence concrète prend sa source chez nos deux auteurs, à savoir l'enfance ; la seconde analyse la nature du "réalisme poétique" que cet idéal conditionne, et qui ne sépare pas les choses et les êtres du monde de leur saisie par le sujet : ce réalisme rejette toute prétention à une "objectivité", qui le reconduirait indirectement à une forme de métaphysique (celle des choses en soi). La poétique de l'immanence de Jean Follain et Élizabeth Bishop correspond au bout du compte à une conception pragmatique de l'acte poétique comme création, dont la valeur réside non dans la réalisation d'une transfiguration épiphanique mais dans un pouvoir de réconciliation de la conscience avec elle-même et avec le monde tel qu'il est.