Le narrataire
Institution:
Paris 4Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
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Abstract FR:
Par la mise en scène d'un personnage de lecteur (narrataire), le Roman cherche à faire mentir le principe selon lequel certains livres peuvent rendre le monde absolument "lisible". Pour le romancier, le recours à cette sorte de déchiffrage n'est inspiré que par la mauvaise foi, par le désir de nier que nous soyons libres d'agir. La lecture ici est destinée à se masquer le vide angoissant de la conscience. Le désir de "lire le monde" se traduit, en effet, chez le narrataire, par celui de lier entre eux des évènements qui ne peuvent pourtant s'expliquer les uns par les autres, de recueillir des signes discrets pour les couler dans la continuité, et donc de noyer dans le bruit ce silence qui appelle à des phrases inoui͏̈es, cette absence au sein même de l'être, cette faille de néant qui est appel à l'action inédite. Dans la négation, la part de hasard disparaît. Par la lecture du monde, un univers se crée, refermé sur lui-même, dans lequel les significations sont épuisées d'avance. Ainsi, l'homme est-il renvoyé à un déterminisme quelconque, et il manque, nécessairement, sa "vocation" qui est la voix de l'interruption, d'une rupture essentielle par lui artificiellement colmatée. Si, lire, souvent, revient à lier, parfois lier, c'est nier. Dans le cas du narrataire, lire, c'est nier ; c'est abolir le hasard, colmater ces failles tectoniques qui sont comme un appel à l'acte irréfléchi, autochtone, à une première territorialisation, donc à l'amorçage d'une formation géologique particulière : une Bildung. Par cette négativité totale, et désoeuvrée, dans laquelle le narrataire tente d'abolir la différence qui le fonde en propre, cette voix de l'interruption qui lui intime d'agir, il manque l'occasion d'articuler son existence à cet Etre qui, puissance de retrait, différence originaire, ne se donne justement pas comme "devant être lu". Car toute absence est un appel non à un supplément d'Etre, puisqu'on ne saurait ajouter ou retrancher quoi que ce soit du monde, mais à l'action, c'est-à-dire à l'Etre. Or, il est bien évident que Werther, Julien ou Roquentin ne sont "personne". C'est pour cela que Werther "souffre", c'est encore pour cela que Julien est travaillé par "l'ambition de devenir quelqu'un", et c'est toujours pour cela que les amis de Roquentin ne voyaient en lui qu'une "borne" jusqu'à ce qu'il soit frappé de ses visions sidérantes.