Le dictateur d'Afrique noire dans la littérature et le cinéma francophones : une analyse des représentations
Institution:
Paris 8Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Between Borom Sarret, a film by Sembene Ousmane released in 1963, and Allah Is not Obliged, a novel by Ahmadou Kourouma published in 2000, one can see portrayed, through francophone literature and films, a good number of black African dictators. Those portraits reveal a multifaceted character in a tragic atmosphere. The African tyrant is portrayed as a hybrid character. Torn between tradition and modernity, between Africa and the Western World, the human and the animal, he uses those paradoxical features to build up an absolute power borrowed from the African king and the colonial master. This power enables him to transform the state in the image of his desires and the political space into a drama stage. Wearing a god-like mask, he acts and has others act in a senseless play. The representations of the African autocratic character show a twofold tragic situation. They make us see how a narcissist and megalomaniac dictator tramples down his people to satisfy his own ambition. They also throw light on the tragic nature of the dictator himself who, finding refuge in a seemingly eternal illusionary playhouse, sees himself drawn forth to a reality that reminds him of his true human condition. This sight uncovers the absurdity of a world created by this despotic regime and the pathetic as well as comical character symbolizing the tyrant of the black continent. The African dictator’s representations appear, in francophone literature and cinema, as cathartic signposts. While they express the nightmarish trajectory of African dictatorships, they generate a laughter that overrides tears coming from this sense of tragic and contribute somehow to the birth of an Africa ridden of the absolute power hydra.
Abstract FR:
Entre Borom Sarret, le film d’Ousmane Sembène sorti en 1963, et Allah n’est pas obligé, le roman d’Ahmadou Kourouma publié en 2000, se dressent quantité de portraits littéraires et cinématographiques du dictateur d’Afrique noire. Ces portraits révèlent un personnage à plusieurs facettes et un spectacle tragique. Le despote africain est dépeint comme un être hybride. Entre la tradition et la modernité, l’Afrique et l’Occident, l’humain et l’animal, il joue de ses traits paradoxaux pour jouir du pouvoir absolu du roi africain et du colonisateur. Ce pouvoir lui permet de transformer l’État en miroir de ses desiderata et de faire de la scène politique une scène de théâtre. Affublé d’un masque de dieu, il joue et fait jouer un drame baroque. Les figurations de l’autocrate africain révèlent une double tragédie. Elles lèvent le voile sur la tragédie d’un peuple qu’un dictateur narcissique et mégalomane sacrifie aux flammes de son ambition. Elles jettent la lumière sur la tragédie de ce dictateur qui, après s’être réfugié dans l’éternité de son théâtre de glaces, se voit délogé par un temps qui le ramène dans la réalité de sa condition humaine. Ce spectacle dévoile le monde absurde que crée le régime despotique et le personnage à la fois pathétique et comique qu’est l’autocrate du continent noir. Les représentations du dictateur africain se dressent, dans la littérature et le cinéma francophones, telles des stèles cathartiques. En même temps qu’elles reflètent l’histoire cauchemardesque des dictatures africaines, elles génèrent un rire qui déroute les larmes nées du tragique et elles laissent entrevoir la possibilité d’une Afrique débarrassée de l’hydre du pouvoir absolu.