Mémoires de l'oubli : revenance et crise de la tradition dans les oeuvres de William Faulkner, Joseph Roth, Claude Simon, Georges Perec et W.G. Sebald
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Abstract EN:
Arising in the wake of the major historical disasters of the XXth century, the works of William Faulkner, Joseph Roth, Claude Simon, Georges Perec and W. G. Sebald question the paradoxical inheritance of a vanishing tradition. When the ghosts of history return to haunt the present, this is because their own universe has disappeared, and with it the traditional ways of transmission which ensured the survival of the ancestral world, as well as its representation. Rather than demonstrating the living presence of the past, this haunting presence thus seems to escort the certainty of an unredeemable death, a loss which no literary or artistic monument could make up for. Whereas Romantic representations of the dead associated writing with a form of grave-digging, capable both of resurrecting the dead and making up for their loss, the memory of the departed, in these narratives, is and remains fundamentally melancholic, insofar as it constantly marks the limits of literary resurrection and the fragility of narrative attempts in themselves threatened by the destructive power of Time. However, this departure from the model of the scriptural grave by no means stifles the call for justice accompanying such spectral apparitions. By answering the call of that which is irretrievably lost, these works bear the imprint of a process of memory and oblivion which attempts to recall the memory of the departed, but most of all to keep a trace of their loss. The double ethical pursuit of works such as these, built on the full recognition of the reality of unredeemable death, is to record what can possibly be recorded, and to mark the empty place of that which is beyond recall.
Abstract FR:
Nées dans le sillage des grandes catastrophes historiques du XXe siècle, les œuvres de William Faulkner, Joseph Roth, Claude Simon, Georges Perec et W. G. Sebald interrogent l'héritage paradoxal de la disparition d'une tradition. Si les fantômes de l'histoire reviennent hanter le présent, c'est en effet parce que leur univers a disparu, et avec lui les modes de transmission traditionnels qui assuraient la survivance du monde ancestral et la possibilité de sa représentation. Loin de manifester la présence vive du passé, la hantise semble dès lors accompagner la certitude d'une mort irréparable, perte sèche que ne saurait venir combler aucun monument littéraire ou artistique. Alors que l'économie romantique de la représentation des morts assimilait l'écriture à un tombeau, capable de ressusciter les morts et de réparer la perte, la mémoire des disparus est et demeure dans ces œuvres fondamentalement mélancolique, en tant qu'elle ne cesse de marquer les limites de la résurrection littéraire, et la fragilité d'une entreprise narrative elle-même sujette au travail destructeur du temps. Pourtant, le renoncement au modèle du tombeau scripturaire ne met pas fin à l'exigence de justice qui accompagne toute apparition spectrale. En répondant à l'appel de ce qui est irrémédiablement perdu, les œuvres s'inscrivent dans le cadre d'une mémoire de l'oubli qui tente de rappeler le souvenir des disparus, mais aussi et surtout de conserver la trace de la perte. Archiver ce qui peut l'être, et figurer l'empreinte en creux de l'oublié, c'est le double horizon éthique d'une littérature qui reconnaîtrait à son fondement la réalité d'une disparition sans retour.