Le texte et le terrain : un dédoublement d'écriture entre expérience ethnologique et tentation littéraire (1930-1955)
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Abstract EN:
In the early twentieth century, French ethnology undertakes a difficult historical dialogue with literature. Ethnology must distinguish itself from the literary world to become a scientific discipline, which in turn forced a generation of researchers to undertake fieldwork for the first time. This revolution in fieldwork results in the development of an editorial phenomenon of double writing : in parallel to the scientific text, another kind of text tries to overcome the constraints of traditional aesthetic, psychological, moral and intellectual ideas. The authors analysed in this study – Marcel Griaule, Maurice Leenhardt, Michel Leiris, Alfred Metraux and Claude Levi-Strauss – provide five striking examples. Caught in the tension between text and fieldwork, this split is an invitation to question the cultural symbols which underpin the values of writing and literature. While field enquiry requires pragmatism through action, work on the text exposes the researcher to literary temptations and beliefs which contradict the need for the experience of fieldwork itself. In order to resist the various temptations of literary aesthetics, the double writing approach seeks to connect to more ordinary ways of writing, so that a balance is maintained between beginnings and endings of the text, between textuality and textualism. Therefore, this phenomenon expresses a kind of critical resistance to certain mythologies about writing, seeking out a textual space which remains at a balanced distance from both imagination and exactitude.
Abstract FR:
Au début du XXe siècle, l’ethnologie française vit avec la littérature un dialogue historique difficile. Elle doit se distinguer du monde des lettres pour devenir une discipline scientifique et contraint une génération de chercheurs à se rendre pour la première fois sur le lieu de l’enquête. Cette révolution du terrain a pour conséquence le développement du phénomène éditorial de la double écriture : parallèlement au texte scientifique, une autre écriture cherche à s’affranchir des traditionnelles contraintes esthétiques, psychologiques, morales et intellectuelles. Les auteurs abordés dans cette étude – Marcel Griaule, Maurice Leenhardt, Michel Leiris, Alfred Métraux et Claude Lévi-Strauss – en offrent cinq exemples marquants. Pris dans la tension entre texte et terrain, ce dédoublement invite à interroger les symboliques culturelles qui sous-tendent les valeurs de l’écrit et de la littérature. Alors que la situation d’enquête impose le pragmatisme de l’action, le travail sur le texte expose à des tentations et des croyances littéraires qui contredisent les nécessités de l’expérience de terrain. Pour résister à la force d’attraction de l’esthétique lettrée, la double écriture cherche à se rattacher à des cultures de l’écrit plus ordinaires afin de maintenir un équilibre entre ouverture et fermeture du texte, entre textualité et textualisme. Elle témoigne ainsi d’une forme de résistance critique à certaines mythologies de l’écriture, cherchant un espace textuel qui se tienne à juste distance de l’imaginaire et de l’exactitude.