Abstract FR:

Les fictions de henry james qui ont pour decor principal la scene europeenne et que l'auteur lui-meme qualifiait d'"internationales" ont toujours ete decrites comme l'expression d'un projet de representation realiste, s'appuyant sur des donnees historiques et sociologiques indiscutables. Tout en denoncant le manicheisme qu'induit cette lecture stereotypee, notre etude a pour but de montrer le statut essentiellement fantasmatique du continent europeen, pretexte a l'exploration spatialisee d'une conscience : certes la fiction de james utilise un substrat reel et les differents elements, - paysages, religion, oeuvres d'art -, qui le constituent, mais les recompose pour en faire la simple et arbitraire materialisation d'un desir romanesque, la formulation concrete d'une subjectivite. La scene europeenne, bien que precisement referencee, se voit depossedee d'une identite reelle d'ailleurs problematique, et se prete aux deformations d'un point de vue qui substitue a la relation apparente d'etrangete celle d'alterite. L'espace de la fiction devient ainsi l'espace fictionnel par excellence, et reproduit, dans le corps meme de romans artificiellement fondes sur l'antithese, le contrat du lecteur avec l'oeuvre romanesque. Amorce des daisy miller, eprouve et defini dans the portrait of a lady, ce traitement radicalement litteraire d'un decor particulier permet a henry james de poursuivre une recherche formelle qui se degage peu a peu du pretexte initial pour aboutir, dans the golden bowl, a une complete interiorisation de l'univers romanesque, en meme temps qu'a une representation essentiellement spatiale du psychisme de ses personnages. En suivant methodiquement, d'une oeuvre a l'autre, l'evolution et la progressive abstraction du theme europeen, on decouvre enfin une reflexion, toujours portee par le romanesque, sur les statuts respectifs du lecteur, de l'auteur et du texte de fiction, dont americains et ancien continent ne sont que les representants privilegies.