Revenances de l'histoire : poétiques de la répétition et narrativité moderne
Institution:
Paris 3Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
The fact that many primitive mythologies were structured by cyclical temporalities is well-known, as is the will of modernity to definitely abandon these old superstitions. Although the XIXth century dreamt of its own progress through the ages, Kierkegaard's Repetition, Marx's The Eighteenth Brumaire of Louis Bonaparte, Nietzsche's The Gay Science and Thus Spoke Zarathustra, and Freud's Beyond the Pleasure Principle, these influential works developed philosophies concerned with repetition, reintegrating the eternal recurrence of things where it was banished. Parallel to this resurgence of repetition in philosophy, which also guides the work of Walter Benjamin and Gilles Deleuze, modern literature has experimented with narrative pragmatics based on repetition. The most representative of its numerous expressions are perhaps Louis-Auguste Blanqui's L'éternité par les astres, Pierre Klossowski's Le Baphomet, Hubert Aquin's Prochain épisode and Claude Simon's Les géorgiques. Questioning modern historical thought, these paradoxical temporal configurations reveal the profound mutation, initiated with the Enlightenment, in the traditional experience of time, and the concurrent transformation of the modalities of narrativity. In societies where the space of experience is dissociated from the horizon of expectation, how can one narrate the flux of time without minimizing the consciousness of the present as a space for action and initiative ? Modern poetics of repetition, concerned with the melancholy that penetrates the modern experience of time, begin emerging through mourning into a search for what Baudelaire calls a "memory of the present". Nevertheless, the issues raised by these poetics of repetition not only concern literary history, but shed new light on the theoretical consequences of the aporetics between time and narrative for the modern representation of historical time.
Abstract FR:
Si l'importance des temporalités cycliques pour nombre de mythologies archai͏̈ques est reconnue depuis longtemps, la prétention de la modernité d'en avoir terminé avec ces superstitions l'est davantage. En plein cœur d'un XIXe siècle rêvant d'un progrès illimité, Kierkegaard avec La reprise, Marx avec Le dix-huit brumaire de Louis Bonaparte, Nietzsche avec Le gai savoir et Ainsi parlait Zarathoustra, enfin Freud avec Au-delà du principe de plaisir, tous ces penseurs élaborent, coup sur coup, des philosophies de la répétition, venant réinscrire là où on l'avait banni l'éternel retour des choses. Parallèlement à cette résurgence de la répétition en philosophie, dans laquelle s'immisceront aussi Benjamin et Deleuze, s'est élaborée en littérature une singulière pragmatique narrative axée sur la répétition. Ses expressions sont multiples, mais L'éternité par les astres de Louis-Auguste Blanqui, Le Baphomet de Klossowski, Prochain épisode Aquin, ou Les Géorgiques de Simon en constituent les exemples les plus éloquents. Interrogeant le régime d'historicité moderne et sa sémantique propre, ces configurations temporelles paradoxales révèlent la profonde mutation de l'expérience traditionnelle du temps amorcée avec les Lumières et la transformation des modalités de la narrativité qui en est issue. Dans des sociétés où les champs d'expérience et les horizons d'attente se sont dissociés, comment raconter le passage du temps sans oblitérer la conscience du présent comme lieu d'initiative et d'action ? Les poétiques modernes de la répétition s'opposent à la mélancolie qui mobilise l'expérience temporelle moderne et entament un travail de deuil qui les amène, à la suite de Baudelaire, à revendiquer une " mémoire du présent ". Néanmoins, les enjeux soulevés par les poétiques de la répétition dépassent la seule histoire littéraire et permettent d'approcher les conséquences théoriques de la double aporétique entre temps et récit pour la représentation moderne du temps historique.