La hantise de la rhétorique ou la quête d’un langage « vrai » : problèmes et paradoxes autour de l’exigence de sincérité dans la poésie moderne
Institution:
StrasbourgDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
This study proposes a thorough revision and re-evaluation of the criterion of sincerity in modern European and American poetics. Through an exploration of the sociological dangers, aesthetic aporia and historiographical inconsistencies of traditional conceptions of the poetic sincere, we argue that these previous visions perpetuated the myth of the non-rhetorical nature of poetic language, and the communicative transparency of the poem. In spite of the fact that sincerity is inevitably a “product” of language, these traditional “expressive” conceptions claimed to escape the denomination and domination of language. Reading poetic sincerity through the lens of the modern rhetorical revolution is thus an attempt to deprive the poetic sincere of its claims to a transcendent, extra-literary value. This implies that any theory or praxis dependent on the criterion, far from aiming to “overcome” language, rather represents one of the most language-based inquiries imaginable. Though we remain convinced of the need to destroy these prior, reductive versions of the category, we also suggest that previous definitions of sincerity in the field of poetics in no way correspond to the extraordinarily complex ways in which modern poets make use of this concept. Our rejection of anterior models thus aims to prove that poetic sincerity is not only a discursive technique, which may be classed among a wide range of other aesthetic procedures, but that it also comes to assume the status of a veritable rhetorical figure.
Abstract FR:
Cette étude propose une relecture et une réévaluation intégrales du critère de la sincérité dans les poétiques européenne et américaine modernes. En explorant les dangers sociologiques, les apories esthétiques et les incohérences historiographiques des visions traditionnelles du sincère, nous affirmons que celles-ci perpétuent le mythe de la non-rhétoricité du langage poétique, et la transparence communicative du poème. Au mépris du fait qu’elle est inéluctablement un « produit » du langage, la sincérité « expressive » traditionnelle prétend échapper à la dénomination et à la domination langagières. Lire la sincérité poétique à travers les révolutions rhétoriques modernes, c’est donc enlever au sincère son statut transcendant et « extra-littéraire ». C’est affirmer que toute théorie ou praxis se servant de la notion, loin de viser le « dépassement » du langage, constitue au contraire une des réflexions les plus proprement langagières que l’on puisse imaginer. Quoique nous restions convaincus de la nécessité de ce projet initial de destruction de l’ancienne catégorie, nous suggérerons que les définitions habituelles de la sincérité en poésie ne correspondent pas aux usages extraordinairement complexes que les poètes modernes font de cette notion. Rejeter les modèles antérieurs réducteurs vise donc à montrer que la sincérité poétique constitue elle aussi une technique langagière, qui s’inscrit non seulement dans le catalogue possible des procédures esthétiques, mais qui va jusqu’à constituer une véritable figure rhétorique.