Abstract FR:

Cette étude se donne pour objet d'explorer quelques unes des modalités d'apparition du phénomène interjectif en anglais contemporain. L'interjection est une forme problématique et l'analyse des discours tenus au cours de l'histoire de la linguistique permet dans une première partie de dégager les raisons d'un rejet, d'un malaise ou d'un flou définitoire qui conduisent souvent l'interjection aux marges du langage. En dépit d'efforts salutaires de réflexion plus approfondie, il manque une vision unifiante du phénomène que ce travail propose d'esquisser à partir de l'examen systématique des réalisations de l'interjection dans un corpus d'anglais oral, le 'London Lund Corpus', dont les occurrences ont été entièrement informatisées. Il en ressort l'image d'une interjection placée véritablement au coeur du langage, qu'il s'agisse des modalités de son intégration interactionnelle, de sa position aux seuils des répliques ou de la représentation qu'elle propose à la fois de l'objet considéré par l'énonciateur sous l'oeil attentif des autres intervenants et de l'acte d'énonciation à travers lequel l'essentialisation du fait prend forme et se diffuse. L'interjection est alors la charnière entre le singulier et l'universel, entre le personnel et le partagé, entre le dévoilement et le dissimulé. Parce qu'elle est un jeu de savoir et de l'ignorance, l'interjection trouve dans l'objet révélé la matière d'un discours qui, de reprise en dépassement, de contemplation en ponctualisation, d'anecdote en généralisation, vise à maintenir à distance l'abîme du silence en même temps qu'elle contribue, par la complétude de la représentation qu'elle dessine, à mettre fin au discours. Point de départ et d'arrivée de l'énoncé, de déploiement et de condensation de la matière du monde et du regard porté sur elle, l'interjection se donne finalement comme représentation et comme accompagnement de l'acte d'énonciation.