"Utterly Lost" ? : l'Indien et la photographie à l'épreuve de l'(anti)-modernité dans "The North American Indian" d'Edward S. Curtis
Institution:
Bordeaux 3Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Si un substrat mythique adhère durablement aux photographies d’Edward Curtis, The North American Indian est un iconotope atypique et complexe qui résulte de la rencontre d’une formidable ambition auctoriale et d’une question politique difficile dans un contexte technologique et intellectuel changeant et un climat culturel critique. Vaste réservoir d’images, laboratoire des imaginaires et fabrique des identités, l’ouvrage en vingt volumes d’Edward Curtis fait dialoguer des propositions iconographiques souvent concurrentes, négociant les ambivalences de l’idéologie assimilationniste et testant les représentations de l’Indien héritées du XIXe siècle à l’épreuve des nouveaux schémas identitaires et relationnels. Faisant de la disparition l'enseigne rhétorique de son grand œuvre, Curtis bâtit un monument paradoxal, destiné à rendre les « derniers » hommages autant à une Amérique indienne jugée moribonde qu’à l’idéal héroïque de la Frontière, aux idéologies du progrès et aux absolus romantiques. Œuvre de la synthèse et de la transition, The North American Indian est une manifestation à la fois unique et paradigmatique de l’(anti-) modernité aux États-Unis, proposant un trait d’union entre l’« âge de la confiance » et l’« âge de la conscience », entre le romantisme et le modernisme, à la fois en congruence et en réaction avec les dynamiques culturelles émergentes. Traversée par une certaine négativité, la mise en image de la minorité indienne donne lieu chez le photographe à une relance des grandes problématiques de la modernité culturelle — la question de l’ethnicité, la fabrication de la mémoire, le poids de la tradition et du passé — et à une altération des catégories de la modernité artistique — la question de l’auteur et de l’autorité, les coordonnées de la représentation graphique et le statut du signe.
Abstract FR:
While some pervasive mythical wrap still lingers on around the name of Edward Curtis and some of his most iconic photogravures, the 20-volume encyclopedia The North American Indian (1907-1930) is a complex, unclassifiable iconotope where the photograph’s artistic and auctorial ambitions meet a vexed political question and a multifaceted cultural and technological moment. As a visual reservoir where identities and representations are imagined, produced and ultimately altered, it promotes dissonant, sometimes contradictory, visual propositions that test the resilience of the residual, 19th-century Indian imagery and negotiate the ambivalences of assimilationnist ideologies. Edward Curtis uses the myth of The Vanishing Race as a rhetorical ensign of his opus and thus builds a paradoxical monument, meant to pay the “last” tributes not only to the supposedly moribund tribal Native America, but also to the heroic ideals of the Frontier era. As a transitional and synthetic work, The North American Indian is a unique and paradigmatic example of anti-modernity, at the crossroads of “the age of confidence” and the “years of conscience”, in the interstices of romanticism and modernism, both in accordance with and in reaction to emergent, contemporary cultural and artistic dynamics. The negativity that pervades Edward Curtis’s pictorialist portraits of Indian life allows the photographer to question the value of his heritage and to tackle some of the major issues of American cultural modernity – the question of ethnicity, the meaning of tradition and memory, the bearing of the imperial past on the colonial present — and eventually to engage indirectly in the overhaul of some crucial categories of modern artistic experience – the question of authorship, the nature of graphic representation and the status of the photographic sign.