Colonisation et décolonisation des espaces dans les romans de J. M. Coetzee
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Abstract EN:
Since foreign countries would not have been colonized in the past, had there been no "space" to colonize, the postcolonial critique cannot avoid an analysis of the representation of colonial space in literature, nor its links to the colonial discourse that preceded and legitimized the colonization of land overseas. The postcolonial critique of colonial space in the novels of the South-African writer Coetzee takes mainly two shapes : first of all, it demystifies the discourse of cartography (which has long been thought to be neutral and objective) ; secondly, it subverts through parody spatial codes attached to specific genres. Nevertheless, because of the awareness that any kind of critique is complicit in what it criticizes, postcolonial critique acknowledges its ambivalence, that at best it (de)colonizes representations of space, that is to say decolonizes and recolonizes them at the very same time. As a consequence, Coetzee's attempt to portray a de-colonized landscape that goes beyond the Manichean binary structure of colonial space is doomed to failure, unless we realize that what is at stake is less represented space than textual space. Representation in his novels mainly aims at elaborating strategies that prevent its colonization by what we may call "colonial critics" - critics that are anxious to colonize the empty or indeterminate spaces of the text and/or to reduce the (literary) other to the same, neglectful of the ambiguous quality of literary texts. As a result, the postcolonial critique in Coetzee's novels intends not so much to invent new representations of space as to change our conception of literature and our way of interpreting texts.
Abstract FR:
Parce que la colonisation au sens historique du terme est impensable sans " espaces " à coloniser, la critique postcoloniale ne peut faire l'économie d'une réflexion sur la représentation littéraire de l'espace colonial, à partir notamment des discours coloniaux qui ont précédé et justifié la colonisation des terres. Dans l'œuvre de l'écrivain sud-africain J. M. Coetzee, cette critique passe par la démythification du discours cartographique - qui, tout en étant au service du pouvoir, a longtemps été conçu comme une représentation neutre et objective de l'espace - et la subversion parodique de codes spatiaux attachés à des genres comme le roman pastoral, le roman " libéral " ou le roman d'aventures. Cependant, consciente de la complicité paradoxale qu'elle entretient avec ce qu'elle critique, elle se reconnaît comme fondamentalement ambigue͏̈, décolonisant d'un côté pour mieux recoloniser de l'autre, ou plutôt, (dé)colonisant dans le même geste. Par conséquent, l'ébauche, dans les romans de Coetzee, d'un espace dé-colonisé, " nomade " - espace non strié par des murs et des clôtures, échappant à la structure dichotomique et manichéenne de l'espace colonial - ne pouvait d'avance être qu'un échec, sauf à considérer que ce n'est pas l'espace autre, mais l'espace textuel, qui est le principal enjeu des romans de Coetzee. La représentation y est le support de stratégies qui en préviennent la colonisation par l'entreprise critique, et notamment par le " critique colonial ", motivé par le désir de coloniser les espaces vides du texte et/ou de réduire l'autre (littéraire) au même, oublieux de l'ambigui͏̈té constitutive de l'espace textuel. En ce sens, la critique postcoloniale à l'œuvre dans les romans de Coetzee ne vise pas tant à inventer de nouvelles représentations de l'espace qu'à changer notre conception de l'écriture et nos démarches interprétatives en tant que lecteurs.