Manières de vivre ensemble : le roman du XXe siècle face au pluralisme
Institution:
Paris 8Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
The heterogeneous novel, theorized by Bakhtin, arises in the novels of Cervantes and Rabelais from the dialogue between antagonistic points of view on reality. The work carried out here follows this stylistic lineage as it unfolds across novels staging the troubles apparent in societies confronted with value conflicts. The Man Without Qualities by Musil, Terra Nostra by Fuentes, Gravity’s Rainbow by Pynchon, The Satanic Verses by Rushdie and Tout-Monde by Glissant allow us a look at social worlds that pluralism’s rise to power liberates and disorients. As yet a seed in Fuentes with the arrival of Spain in the first modernity, pluralism cracks open Austria-Hungary’s unity in Musil. Pynchon shows the confusion pluralism creates in the scientific sphere, whereas Glissant and Rushdie investigate changes in identity tied to globalization. Relieving diversity of the burden of political correctness, these novels imagine possible reactions in the face of the loss of clear markers brought on by the acceleration of modernity. They thereby enter into dialogue with the pluralism of William James and the pragmatists, as well as with the reflections of liberal and communitarian philosophers on the social ties necessary in efforts to balance multicultural societies. Their pluralism proves to be a way of constructing novels and negotiating the tensions their internal heterogeneity produces. The elaboration of a pluralist poetics allows the forces of multiplicity these novelists deploy to be brought to light, along with the principles of connection they turn to when assuring the cohesion of their fictional universe.
Abstract FR:
Le roman hétérogène, théorisé par Bakhtine, naît chez Cervantes et Rabelais du dialogue entre des points de vue antagonistes sur la réalité. Ce travail observe le devenir de cette lignée stylistique à travers des romans mettant en scène les troubles que connaissent les sociétés confrontées à des conflits de valeur. L’Homme sans qualités de Musil, Terra Nostra de Fuentes, L’Arc-en-ciel de la gravité de Pynchon, Les Versets sataniques de Rushdie et Tout-Monde de Glissant donnent à voir des mondes sociaux que la montée en puissance du pluralisme libère et désoriente. En germe chez Fuentes avec l’entrée de l’Espagne dans la première modernité, le pluralisme brise l’unité de l’Autriche-Hongrie chez Musil ; Pynchon restitue le désarroi qu’il crée dans la sphère scientifique, tandis que Glissant et Rushdie enquêtent sur les changements identitaires liés à la mondialisation. Soustrayant la diversité à ses usages politiquement corrects, ces romans imaginent les réactions qu’il est possible d’adopter face à la perte des repères qu’entraîne l’accélération de la modernité. Ils entrent par là en dialogue avec le pluralisme de William James et des pragmatistes, ainsi qu’avec la réflexion des philosophes libéraux et communautariens sur les liens sociaux nécessaires à l’équilibre des sociétés multiculturelles. Leur pluralisme s’avère une manière de construire des romans et de négocier les tensions que produit leur hétérogénéité interne. L’élaboration d’une poétique pluraliste permet à cet égard de mettre en lumière les forces de multiplicité que les romanciers déploient et les principes de liaison auxquels ils recourent pour affirmer la cohésion de leur univers fictionnel.