Les miroirs du crédit dans la poétique balzacienne
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Bordeaux 3Disciplines:
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Bien que l'ont ait souvent commenté le rôle de l'argent dans "La comédie humaine", on n'a jamais souligné l'importance matricielle du crédit dans l'oeuvre balzacienne. Les dettes et créances y sont pourtant omniprésentes. Elles régissent les comportements des personnages, organisent les parcours diégétiques et leur ancrage dans les mentalités collectives est tel qu'elles suscitent un riche imaginaire, effrayé et angoissant. La peinture balzacienne ne néglige bien sûr pas le rôle politique et économique essentiel du crédit au cours du premier 19ème siècle. A une époque où la pénurie monétaire rend l'argent rare, le crédit devient l'instrument par lequel une bourgeoisie conquérente régule les échanges, assigne une place à chaque individu, dynamise la circulation monétaire et, surtout, impose son idéologie à l'ensemble de la société. Balzac ne se contente pas de décrire ce "fait social total" il l'intègre à la forme même de son oeuvre : là réside la spécificité d'un réalisme qui sait utiliser la plasticité poétique du crédit. Les structures actantielles, la dynamique narrative, les rythmes et l'organisation temporelle du récit son empruntés au crédit. Le choix de la sémiotique narrative permet ainsi de mettre en valeur la confusion des logiques du récit et du crédit. Mais cette confusion n'est pas neutre. Elle contamine non seulement les niveaux diégétique et narratif, mais également énonciatif, entraînant auteur et lecteur dans une énonciation fiduciaire vertigineuse. Parce que l'échange monétaire temporalisé sur lequel repose la dette contamine nécessairement l'échange de la parole, il faut bien admettre que la "mise en texte" du crédit est une mise en question de la nature même du récit de fiction. L'ambivalence sociale du crédit se retrouve par conséquent au niveau poétique : si ce principe organise et nourrit l'oeuvre, il lui donne la conscience diffuse d'un possible vacillement du signe.