Lettres et récits d'Alexandre Marius Jacob : les contraintes de l'écriture ordinaire
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Abstract EN:
The writings of Alexandre Marius Jacob (1879-1954) have been compiled in 1995 by L’Insomniaque : its critical journey and entire publications revealed the interest aroused by this anarchist burglar. Historical documents, political testimonies and biographical materials, Alexandre Jacob’s narratives and letters are also texts that led themselves to a literary look, even if they were not literature strictly speaking. Extremely pragmatical, i. E. Rooted in their production context and subordinated to their redaction’s issues, they are nonetheless the multiple expressions of a man, great reader, alternately essayist and autobiographer, narrator and epistolier, orator and writer. Author – maybe despite himself – of a plural autobiography composed by the Écrits volume, Alexandre Jacob had a unique history : fervent anarchist and ingenious thief, propelled on the judicial arena, condemned to hard labor and sent for life to French Guiana, he finally got released, twenty years after, thanks to the perseverance of his mother Marie. In this trajectory, deportation constituted a crucial event : at that time as much as afterwards, it involved grabbing the pen to communicate with the absentee mother first, then to denounce “the French elimination” in Guiana. Far from being a simple decor, the circumstances truly shaped the process of a speech it ordered, even more in this extreme situation of hard labor. The correspondence between Alexandre and Marie Jacob got exposed to many difficulties, which compromised the writing, travelling and reading of the few two hundreds exchanged letters. It seems that this correspondence is the centrepiece of a composite corpus, in which there is not a writing more strongly impeded by the conditions of its emergence, neither more revealing of Jacob’s skill to defeat the constraint, to face it and to take advantage of it. The long text of this epistolary time highlights the insubordination of a thought, the paradoxical creativity of a trapped writing, the irreducible expressivity of an “I” who manage to say itself after all, head off the beaten path
Abstract FR:
Les écrits d’Alexandre Marius Jacob (1879-1954) ont été réunis par les éditions de L'Insomniaque en 1995 : leur fortune critique et leur publication intégrale témoignent de l’intérêt qu’a suscité ce cambrioleur anarchiste. Documents historiques, témoignages politiques et matériaux biographiques, les récits et les correspondances d’Alexandre Jacob sont aussi des textes qui, s’ils ne sont pas littérature à strictement parler, se prêtent néanmoins à un regard littéraire. Extrêmement pragmatiques, c'est-à-dire ancrés dans le contexte de leur production et subordonnés aux enjeux qui commandent leur rédaction, ils n’en sont pas moins l’expression multiple d’un homme, grand lecteur, tour à tour essayiste et autobiographe, narrateur et épistolier, orateur et scripteur. Auteur, peut-être malgré lui, d’une autobiographie plurielle que recompose le volume des Écrits, Alexandre Jacob a connu une trajectoire singulière : fervent anarchiste et voleur ingénieux, propulsé sur la scène judiciaire, condamné aux travaux forcés et envoyé en Guyane à perpétuité, finalement libéré, vingt ans plus tard, grâce à la persévérance de sa mère Marie. Dans cet itinéraire, la transportation au bagne constitue un événement fondamental : elle oblige sur le coup, autant qu’elle engage après coup à prendre la plume, pour communiquer avec l’absente puis pour dénoncer « l’élimination à la française ». Loin d’être un simple décor, les circonstances façonnent l’élaboration d’une parole qu’elles commanditent, à plus forte raison dans ce cadre extrême qu’est le bagne colonial. La correspondance d’Alexandre et Marie Jacob s’y trouve exposée à de nombreuses difficultés, qui gênent l’écriture, la circulation et la lecture des quelques deux cents lettres échangées. Elle nous semble être la pièce majeure de ce corpus composite, où il n’est pas d’écrit qui soit aussi fortement entravé par les conditions de son émergence, ni aussi révélateur de l’habileté de Jacob à déjouer la contrainte, à y résister ou à la mettre à son profit. Le long texte de cette parenthèse épistolaire illustre ainsi l’insoumission d’une pensée, la créativité paradoxale d’une plume en carcan, l’irréductible expressivité d’un « je » qui trouve à se dire, malgré tout, par des chemins de traverse