Diderot : la philosophie sans fondement
Institution:
Paris 4Disciplines:
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Abstract EN:
Diderot, a materialist? We suggest he is first and foremost a moralist. Aware that “atheism is very close to a kind of superstition as puerile as the other” (to Mme de Maux, October 1769), he opposes religious fanatism but also the emergent scientism which turns sciences such history, sociology, biology and economy, into new dogmas. Book one: Diderot’s materialism is seen as the foundation of his thought because we expect him to legitimize his critique of the established order and to prevent the threat of immorality in a world without God. But many texts, especially the dialogues, show that criticism need not be founded on facts, and that the threat of immorality – largely illusory – could not be answered by a demonstration. The foundations of morals must be sought in practices and the will; their means is an educated reason; their finality is not given but constructed. Book two: “Strictly speaking, there is only one sort of causes: physical causes”. It follow that “freedom is a word empty of meaning” (to Landois, 29 June 1756). These axioms seem to destroy notions of responsibility and shared values: moral discourse refers to nothing real. But these consequences rest upon an impoverished conception of language, which Diderot always combated. The fondationaliste materialist refers language to the physical, but language ads to the physical and constitutes a form of life in which we see ourselves as free and responsible. This form of life must be protected; this demands that we renounce our craving for a factual foundation of values.
Abstract FR:
Diderot matérialiste ? Selon nous, il est d’abord un moraliste. Conscient que « l’athéisme est tout voisin d’une espèce de superstition presque aussi puérile que l’autre » (à Mme de Maux, Octobre 1769), il combat le fanatisme religieux mais aussi le scientisme émergeant, qui érige en dogme les nouvelles sciences, histoire, sociologie, biologie, économie. Livre premier : On fait du matérialisme de Diderot le fondement de sa pensée parce qu’on attend de lui qu’il légitime sa critique de l’ordre établi, et qu’il prévienne la menace de l’ immoralisme dans un monde sans Dieu. Mais de nombreux textes, et notamment les dialogues, montrent que la critique n’a nul besoin d’un fondement dans les faits et que la menace de l’immoralisme, largement illusoire, ne saurait être contrecarrée par une démonstration philosophique. Le fondement du débat moral est dans la pratique et la volonté, son moyen est une raison qui doit s’éduquer, sa finalité n’est pas donnée mais construite. Livre second : « Il n’y a qu’une sorte de cause à proprement parler : ce sont les causes physiques ». Il s’ensuit que « la liberté est un mot vide de sens » (à Landois, 29 Juin 1756). Ces axiomes semblent ruiner les notions de responsabilité et de valeurs communes : le discours moral ne renvoie à rien de réel. Mais ces conséquences reposent sur une conception appauvrie du langage, que Diderot a toujours combattue. Le matérialiste fondationaliste réfère le langage au physique, mais le langage ajoute au physique et constitue une forme de vie dans laquelle l’homme se considère comme libre et responsable, qui doit être protégée. Cela exige le renoncement au désir d’un fondement des valeurs dans les faits.